jeudi 24 mai 2007

That's all folks




Voilà, l'aventure s'arrête ici. La dissolution de l'association a été votée hier lors de la dernière assemblée générale.

Non, non, chers fans déjà inconsolables, il ne s'agit pas d'un poisson d'avril périmé depuis deux mois.

Faute de plumes pour poursuivre l'histoire, la narration s'arrête ici.

Personne ne veut "reprendre" les rênes et donc voilà, on jette le bébé aux orties. Il avait trois ans et, pour une association étudiante, finalement, c'était presque déjà un vieux lascar ayant survécu à un accouchement difficile, à une adolescence rebelle et ayant connu un âge adulte passionné sous les dorures de Paris, notamment.

Donc, comme à Cannes après l'annonce de la Palme, vient l'heure des remerciements.

En priorité, évidemment, merci à toutes celles et tout ceux qui n'ont pas cru en ce rêve un peu fou de voir exister, sur une fac de lettres, un groupe d'écrivains, de poètes... de créateurs. A tous ceux-là, les sceptiques tout d'abord, les engagés dans la course, ensuite, qui ne font rien une fois la manette de jeu entre les mains, et autres empêcheurs d'écrire en rond, un grand MERCI. Au moins, cette incompétence congénitale a permis à ceux pour qui "créer" a un sens de s'épanouir. Et de grandir.
En 40 ans, c'était, parait-il, la première structure de ce type à Nancy 2. J'espère, pour nos successeurs, que nous avons tracé un sillon et que de jeunes pousses vont apparaître. Il est incroyable qu'il n'y ait rien de ce type dans une fac de Lettres !!

Merci ensuite à Jean-Emmanuel, sans qui, comme c'est de coutume de dire, rien n'aurait été possible. Merci d'être venu me chercher, grand ! J'espère qu'à l'avenir nous aurons encore des occasions de faire des choses ensemble pour que vivent la culture et la création dans un monde qui en manque tant ! Mais plus trop-trop aux côtés d'étudiants...

N'oublions pas Cécile dont la pertinence de jugement a évité de nombreuses erreurs. Même à Marseille, nous pensons à toi !

Marielle nous a initié à la communication et a magnifiquement orchestré nos premières démarches. Merci à elle !
Merci également à la MGEL d'avoir imprimé gratuitement tant de flys et d'affiches. Pensée pour Thyphanie, pro admirable au service de la culture étudiante !

Patricia, ou Patou, voire Belette, a tout vécu, les bons comme les mauvais moments, et sans son soutien au quotidien, le Cercle Littéraire Etudiant, puis ANOTER, aurait sans doute sombrer corps et âme depuis longtemps ! Merci mi amor !

La liste des nombreux écrivains étudiants ayant participé à l'aventure serait trop longue, mais ayons une pensée pour Aurélie, bien sûr, et Thibaut, qui ont géré le bébé durant une année et qui ont produit de très jolies choses, notamment dans les revues et lors des expositions. Sans vous aussi, l'aventure aurait pris fin prématurément. Pensée particulière pour Nico, un artiste complet et un homme de coeur si rare. Karine, également, discrète mais toujours efficace, émouvante.
L'Université de Nancy 2, et son servive culture, trouve ici naturellement une place de choix, tant au sujet des conseils avisés que des subventions qu'ils nous ont aloués afin de réaliser nos voyages (Charlevilles en 2005 et Paris en 2007). Merci !

Quant à vous, plumes de cette année, à titre personnel, je vous regretterai sincèrement. Car, humainement et artistiquement, j'ai vraiment apprécié être à vos côtés. Chacun est pourvu d'un univers riche et surprenant et le sens de l'écriture est en chacun de vous. Cyrielle et Mylène nous ont souvent touchés, avec leurs textes qui nous ont fait tant voyager et leurs voix si musicales ont enchanté les séances. Matthieu et Guillaume ont ouvert des portes inatendues et pleines de surprises, sources d'interrogations, de discussions, de découvertes. Puis il y eut Emilien... Comment dire ? Emilien nous a rappelé que l'imagination est essentielle pour un écrivain ! Dieu ! comment une telle imagination est-elle humainement possible ?
Patou, enfin... sublime, sensible, fragile, tendre, la plume du coeur, la musique des mots, le choix juste, la poésie faite femme.
Qui sait ? peut-être nous retrouverons-nous dans quelques décennies sur un plateau de télé à présenter nos ouvrages et à parler du dernier troll alsacien qui attend quelque part dans une locomotive, en plein désert, devant un écran d'ordinateur brisé et en grande conversation avec un trèfle à quatre feuilles ? Allez savoir !
Et moi. J'espère avoir proposé des pistes d'écriture intéressantes et avoir pu vaincre, le temps des ateliers, mes angoisses quotidiennes pour mener une barque pertinente.

Voilà, adieu fac, adieu association.
La vie continue, avec son lot de surprises, de rencontres, de joies et de regrets et... d'écriture. Pour ma part, je vais sans doute rejoindre cette asso : http://perso.orange.fr/paperoles.ecriture/cadres.html

Si la vie est un fleuve, je veux la traverser sur un nénuphare et écrire sur l'eau.

Séb.

source image : http://www.congoplus.info/article_congoplus-1760.html

mardi 15 mai 2007

éloge funèbre

Gustave Courbet, L’enterrement à Ornans.

Source image : http://webpublic.ac-dijon.fr/pedago/histgeo/Former/Stages/Art/Peinture%20histoire.htm


- Il était l'ami de tout le monde.

Au micro de la petite église, tels furent les premiers mots du jeune homme en costume. Ses yeux rougis, semble-t-il depuis plusieurs jours, venaient confirmer ses dires. Oui, le corps allongé, là à quelques mètres de lui, était aimé de tous. Toujours souriant, affable, dynamique, prêt à rendre service, sans cesse à l'écoute des problèmes des autres.
Pourquoi ?
La question semblait flotter dans les airs, slalomer entre les néons, et se heurter, implacable, aux colonnes de l'église. Les lettres, tombées à terre, se reformaient aussitôt, au milieu de la poussière, et revenaient inlassablement hanter les esprits.
Pourquoi ?

- Nous le regretterons tous, ajouta le porte-parole. Son humour, sa sagesse, ses conseils avisés, nous tous qui sommes ici pourrions en parler pendant des heures. Pour ma part, je me souviens...
Mais personne, à cette seconde, n'écoutait. Entre chaque oreille, jaillit, comme un palimpseste, une anecdote personnelle. Là un conseil en relations humaines, là un verre offert, là un sourire avenant qui réchauffe le coeur...

L'éloge funèbre allait prendre fin, après un dernier regard attendri de l'orateur en direction du cercueil, quand, du fond de l'église :
- C'est bien beau, tout ça, dit à haute et intelligible voix un homme âgé.
Tous se tournèrent vers celui dont des mèches et un chapeau masquaient le regard.
- Mais qui s'intéressait réellement à lui ? Que saviez-vous, vous tous, de ses passions, de ses joies, de ses peines, de ses espoirs ou de ses regrets ?
Un vague murmure d'indignation s'éleva assez vite, mais l'envie d'écouter la suite prit le dessus, comme si cet homme disait tout haut ce que chacun pensait tout bas.
- C'est vrai que je ne le connaissais pas, dit à voix basse une jolie jeune femme à son voisin qui la tenait par la main.
- Pensez-vous que l'on se tire une balle dans la citrouille quand la réalité correspond aux apparences ? Non, hein ?
Des hommes, dans les premiers rangs, voulurent se lever, sans doute pour chasser l'empêcheur d'enterrer en rond, quand le curé intervint :
- Vous avez parfaitement raison, mon fils, dit-il. Je connaissais bien ce jeune homme. Il m'a dit, peu avant son départ : "Vous savez, mon père, parfois, je me demande comment le Messie a pu supporter d'être aimé de tous et d'aucun en particulier."

Le vieil homme sembla sourire. Il opina du chef, en guise de salut, et quitta l'édifice.
Quelques pleurs jaillirent. Sa proche famille regarda ses pieds. Ce garçon, qui gagnait bien sa vie et était très entouré, vivait seul, n'avait plus ni père ni mère, et avait décidé d'en finir, comme ça.
En quittant l'église, on n'échangea pas sur les bienfaits qu'il avait apportés aux uns et aux autres. Non, on chercha simplement, enfin, à faire sa connaissance.
Et ce fut le silence dans les rangs.

Séb, 15 mai 2006

lundi 14 mai 2007

Gotad en cours !

source image : (http://www.ftw-design.com/table_matieres.html)

Dernière Crowed

Tandis que je griffonne frénétiquement sur ma feuille, dans l’espoir d’y fixer les images psychédéliques qui traversent mon esprit , mes neurones dégoulinent sur le papier et se mêlent au sang de mes aïeux.

Nous sommes dans le plus grand amphi de la fac, une véritable cathédrale rouge et noire où chaque chuchotement résonne comme une sentence divine. Cours d’« Approche Sociologique de la Notion de Culture », dernier de l’année… Généralement je le sèche, mais ce matin je me suis fait violence : c’est le dernier, enfin, un peu de professionnalisme pour sauver la face ! Visiblement, je suis le seul à m’être fait cette réflexion… Nous sommes vingt-trois étudiants, répartis sur les quelques trois cent soixante-douze sièges que compte ce temple du savoir (oui, je viens de passer dix minutes à les compter), soit à peu près autant que lors du dernier cours auquel j’ai assisté. Quand je suis arrivé tout à l’heure, avec deux minutes d’avance, nous étions dix personnes et j’ai dû me retenir d’éclater de rire.

Il y a un vieux parmi les étudiants, je le vois de dos. Je suis allé voir La Faille hier soir, et ce film a renouvelé l’admiration que je portais déjà à Anthony Hopkins. Ce vieux me fait penser à M. Hopkins ; particulièrement ses mains, en fait (il s’est gratté le dos tout à l’heure).

La prof parle. Elle parle, elle parle, mais de quoi j’en sais rien et je n’ai pas envie de savoir, je m’en fous pas mal… Non, je n’ai vraiment rien à cirer de ce qu’elle peut raconter. Chaque fois que j’essaye de me raccrocher à son discours pour suivre un peu, mon jugement retombe égal à lui-même : je n’en ai rien à cirer. Ça n’est même pas que la prof est soûlante en elle-même… Le ton de sa voix n’est pas soporifique, elle ponctue bien son bifteck au niveau des intonations, elle a une bonne tête, elle s’exprime clairement et sans effets de style miteux… Non, juste son cours, diaboliquement barbant. Et ça ne vient pas que de moi, hein… Il n’y a qu’à voir les effectifs face au bureau ; gageons qu’ils auront diminué de moitié durant la pause entre les deux heures… Pour ma part, je me chargerai de partir à la recherche de la moitié disparue, brodé de magnanimité que je suis. D’ailleurs, je vous laisse, la cloche sonne.

On se retrouve au partiel…

Gotad.

Post-nota bene : au sortir de la salle, j’ai vérifié le nombre des sièges que je ne pouvais voir depuis ma place : l’amphi en compte en tout 356. Hey ! Au premier coup d’œil, j’avais estimé à 350 !! J

…Euh… Attendez, non, je me suis planté. Bon, je refais le calcul.

Ah non, c’était bien ça ! :D Enfin… J’espère. J’en sais rien. Bon, on s’en fout !! :@ (merde, alors, hein… quand même.)

mardi 8 mai 2007




MONDE






source image : (http://www.pavoisement.fr/drapeaux_pavillons_provinces_monde.htm)


J'habite un monde qui n'existe pas
ses murs sont de l'air
ses sols des gouffres
et ses rêves des regrets

J'y marche et je coule
comme un bateau dans des ciels
sans nuages pour prendre appui
j'attends - comme un mort - mais quoi


Je suis seul
personne ne voit personne
Chacun ignore chacun
et la terre qui tourne - toujours - quelle conne
ferait mieux de plier bagages

J'habite un monde qui n'existe pas
ses murs sont de l'air
ses sols des gouffres
et ses rêves des regrets

Quand la cloche sonne
rentrent les brebis
tombe la pluie et
se perd la poésie

zéro en imagination pour ce monde
Fermé comme un chiffon sec
prude comme un cannibale
et les heures qui s'enfuient

J'habite notre monde qui existe
ses murs sont de l'air
ses sols des gouffres
et ses rêves des regrets




Séb, 08 mai 2007

jeudi 3 mai 2007

texte de Séb sur la parano

- Je les entends même respirer, je vous dis. Vous n'entendez rien ?

Le vieil alcoolique, en boule au fond de la cellule, n'avait plus la force de seulement ouvrir les yeux en direction de la jeune femme assise en indienne à cinq mètres de lui. Si, pensa-t-il tout de même, l'on commence à ramasser les folles à la mode Jeanne d'Arc, on ne sera plus tranquilles nulle part. Même en cellule !

- Non, ajouta-t-elle, vous ne pouvez plus rien entendre après tout ce que vous vous êtes envoyé derrière la cravatte ! Pfff...

Le brigadier, lui, avait opté pour des boules qui ès. Marre de cette alumée et de ses hallu. C'était toujours comme ça les petites bourgeoises sous acide : elles se prenaient toutes pour la Pucelle d'Orléans. Dès l'aube, elle rejoindrait ses pénates avec une convocation devant le juge.
(source image : http://www.lyon.fr)

Comme prévu, dès les premières lueurs du jour, on la libéra. Elle prit la direction de son appartement. Mais les voix ne la quittaient pas, même en plaquant ses paumes très fort sur ses oreilles !
Elle devait très vite appelé son psy !
La messagerie de celui-ci lui apprit qu'il était en congés. Prière de rappeler sous huit jours !

Alors, elle comprit. Tout devint limpide. Il était avec eux et ses pillules ne faisaient qu'accroître l'emprise qu'ils espéraient avoir sur elle ! Mais elle ne s'en laisserait pas compter, oh non !
Avec ses 47 kg toute mouillée et son mètre cinquante-deux, elle se sentait la vigueur d'un champion poids-lourds.
Puis non, elle se ravisa. Il lui avait fourni les preuves de son intégrité.
Cela faisait presque deux ans qu'ils en avaient après elle. Au début, elle avait mis ces voix sur le compte du surmenage et son licenciement économique sur celui de la mondialisation. Mais maintenant !
Elle ne pouvait plus sortir acheter son journal sans qu'un passant ou le vendeur ne la regarde en fronçant les sourcils. Comme s'ils se disaient : " Ils ont raison, il faut la surveiller de près, elle en sait trop !"

Car ses voix, en effet, lui dévoilaient des choses surprenantes. Par exemple, elle se rendit en forêt de Fontainebleau où devait être caché, enfoui sous les racines d'un arbre tricentenaire, le Secret de la Trinité ou sinon, avaient dit les voix, le trésors des Cathares. Elles n'étaient pas certaines de leurs sources. Au final, après avoir creusé six bonne heures, il n'y avait rien eu à deux mètres de profondeur. Si ce n'est une douille de la Seconde Guerre Mondiale et un colier d'enfant. Aucun rapport, donc, avec la smala promise.
Les voix admirent, contrites, qu'elles avaient pu être induites en erreur.

(source image : http://www.ez2link.be/esoterisme/esote.html)

Mais le regard des gens changea très vite. Ses voisins, sa concierge, sa famille et ses amis même, tous très vite trouvèrent des prétextes pour ne pas honorer bun sourire ou un rendez-vous. Tous donc, elle en était convaincue, étaient "avec eux", ceux que les voix désignaient comme "les ennemis de la Vérité".



Seul son psy, donc, l'écoutait patiamment et avait tiqué à l'annonce de ses lectures favorites. Il lui avait conseillé d'arrêter de dévorer les romans, les thèses, les articles, et autres essais traitant d'ésotérisme, de complots (inter)planétaires et autres Graal et trésors des Cathares honteusement soustraits par l'abbée Saunières à la planète entière.
Elle avait mis six mois à se persuader qu'il nétait pas, lui aussi, avec eux. Il avait, pour cela, exhiber son arbre généalogique jusqu'au milieu du 17ème siècle et un obscure fermier du Lubéron qui préparait une longue lignée d'illustres inconnus, tantôt infirmes de naissance ou de guerre, souvent illettrés, et toujours sans rapport aucun avec le moindre mystère. Lui-même ne s'expliquait pas comment, avec un tel patrimoine génétique, il avait pu réussir sa vie. Il avait fait cette enquête pour lui prouver que les idées qu'elle se faisait ne reposaient sur rien de concret, avait-il dit, mais surtout parce qu'il avait trouvé cet arbre aux Puces et que l'idée lui était venue pour avancer dans la thérapie.
Il avait alors certes gagné sa confiance mais ne pouvait pas, sous le manteau évidemment, demandé pareille enquête à chacun de ses proches pour la ramener à la réalité ! L'astuce pouvait être éventée, bien sûr, mais surtout il n'était pas à l'abri d'une quelconque lignée bleue dans les veines d'un seul ami !

(source image : http://archive.lien-social.com/dossiers2002/611a620/615-2.htm)

Et là, aujourd'hui, il était en vacances. Que faire ? se demanda-t-elle.

Les voix lui répondirent. Elle devait danser toute nue sur le kiosque du Jardin du Luxembourg.
Elle s'y rendit peu avant midi et devant une assistance médusée, découvrit son anatomie, du reste avantageuse, en disposant soigneusement jupe, chemisier, string et chaussettes sur une chaise en fer. Elle dansa alors toute seule, jusqu'à ce que la maréchaussée ne la saisisse et ne la conduise au fourgon, une veste bleue marine pour costume, qui stationnait à deux pas du Panthéon.

A l'intérieur de quelques tombes célèbres, justement, des petits génies qui s'ennuyaient se félicitèrent :
- Quand même ! dit l'un d'eux. Elle fut coriace mais on a réussi ! Allez, à la suivante !!!

02/04/07
Séb.

texte de Cyrielle sur la parano

source image : http://jeunefillebien.canalblog.com/archives/2005/week16/index.html


Il est parano, parano, paranoïaque
Sa vie s’effilera,
Il se défilera,
Tout sera en vrac.

Les clés, toujours cachées,
Pas sous le paillasson,
Pas dans le pot de fleurs, trop con,
C’est dans le jardin qu’il a creusé ;
Sur le trou, un battant d’un vieux volet.
C’est parce qu’il a peur,
Parce que dehors, il meurt,
Comme ça, il rentrera, mais c’est secret.

Il est parano, parano, paranoïaque
Il croit qu’on le suit,
A chaque instant, il se méfie.
Alors il a des miroirs dans les poches de son anorak.
Il marche vite,
Le pas léger,
Presque il courrait,
Toujours en fuite.
C’est que c’est dangereux les gens,
La rue est pleine de criminels,
Tous malintentionnés, même ritournelle,
Jamais d’inattention, il surveille tout le temps.

Il est parano, parano, paranoïaque,
Une femme, quoi qu’on en pense,
Ce n’est pas digne de confiance.
Même la sienne, donc il fouille dans son sac.
Le matin, il ouvre son courrier,
A midi, il est caché derrière un buisson,
A la sortie du bureau, il fait l’espion,
Elle pourrait avoir un amant, on ne sait jamais.
Le soir quand elle lui prépare son repas,
Il ne met jamais la table,
Mais va fouiner dans son portable,
A lui, c’est sûr, on ne la fera pas.

Il est parano, parano, paranoïaque
Il ne part jamais en vacances,
Même pas dans le coin, il n’aime pas la France,
Ses congés obligés, c’est tout juste son jardin, son hamac.
L’étranger, ça ne le fait pas rêver,
Ni la mer, ni la montagne,
Ni la ville, ni la campagne.
De toute façon, il déteste rouler.
Il a peur d’être kidnappé, séquestré,
Il croit que les touristes sont tous des malades,
L’art, la culture, que des salades
Et puis, c’est sûr qu’à la frontière, il sera menotté.

Il est parano, parano, paranoïaque
Il enferme ses gosses, pour pas qu’ils chopent la crève,
Des cours particuliers, presque jamais de trêve,
L’école, pour lui, c’est démoniaque.
Et puis il râle, il râle de plus en plus,
Il s’énerve, il s’emporte, ils sont tous contre lui,
Alors il frappe, et puis tant pis.
Pour les gosses, ce serait mieux un petit virus…
Mais c’est pour leur bien, aux autres.
Il ne sait pas que c’est lui le danger,
Lui, le fou furieux à arrêter,
Une grosse embûche, et qu’il se vautre.

Il est parano, parano, paranoïaque
Sa vie s’effile,
Il se défile,
Tout est en vrac.

CYRIELLE

02/05/07

menu au choix !

Salut à vous, fans absolus de ANOTER qui n'avez même pas pu mater le débat Sarko-Ségo tant vos yeux étaient rivés à votre écran et vos neurones aux textes de ANOTER.
Hier, à l'atelier, ce fut menu au choix :
- texte sur le thème de la PARANOÏA
- synopsis d'une intrigue policière avec criminel à découvrir
- ou texte tout pourri, au choix (vaste programme !)

Voilà...
ANOTER.

jeudi 26 avril 2007

postérité

source image : http://bdl.unige.ch/batlivre/activite/2005-06/lancement/p_lancement0506.htm

Alphonse Allais disait : "Je préfère passer à la Poste hériter plutôt qu'à la postérité."
Moi, je veux les deux.


Oui ma descendance inconnue
Tends le bras ouvre la main
Pose l'index ici
Sur ces pages flétries coulent mes mots

Ceux du patriarche d'un siècle lointain
Que la houle disperse
Pour lit un cénotaphe
Pour chambre un livre


Oui ma descendance incongrue
Devenue cyclope myope
Depuis longtemps déjà tripède unijambiste
Ton coeur est pareil au mien

Oh tes larmes irriguent une forêt
Qui de mon temps était bosquet
Et l'aube d'hier sous la pluie d'été
Salue ta vesprée d'un soleil d'hiver.


BU Lettres, Nancy, 25 avril 2007, en regardant une demoiselle chercher un livre.

Séb.

lundi 23 avril 2007

monomanie

Comme dit l'autre, il était une fois. Un homme. Dans un pays pauvre.

Un cultivateur dont la seule richesse était son champ. Dites-le cent fois et un troll vous sortira de la narine gauche.

Dans son champ, dans le fond, on s'en fout de ce qu'il cultivait, ce cultivateur. Des betteraves, des radis, des pousses de canabis, des embryons humains, des patates, des esclaves péruviens en batterie, peu importe.

Il s'en sortait assez bien aux yeux de son propre intestin grêle et de celui de sa femme, soit tout de même à eux deux près de 14 mètres de tripes. Chez eux, ce n'était pas le Ritz et sa femme, du reste, n'était pas Paris Hilton, mais c'était plutôt Minsk après le passage des gars en bottes et Radis Hideux. Mais bon, comme il ne connaissait ni l'hôtel ni la bombasse américaine à la bouche à ne pas tomber enceinte tout de suite, il s'en moquait.

Tout allait donc bien au pays des pauvres.

Mais une nuit, l'éleveur fit un rêve. Un truc de fou. Il voyait très nettement des petits faucheurs d'OGM locaux aller saccager et brûler ses terres. Bon, lui, les OGM, il n'en avait pas. Pas parce qu'il passait ses nuit sur MSN avec José Bové à rêver d'un monde sans rien de chimique, non, de toute façon il n'avait même pas de connexion haut débit, ni même d'ordi, le pauvre, mais simplement parce que c'était trop cher et qu'il ne voulait pas se compliquer la vie avec ça. En plus, de mémoire de pioche, on n'avait jamais eu le moindre faucheur (à part de coquelicots, en été parfois, mais ça ne compte pas, si ?) à plus de mille kilomètres à la ronde.(source image : http://www.lefigaro.fr/france/20060803.FIG000000113_les_faucheurs_volontaires_bravent_la_justice.html

Toujours est-il que "des hordes de salafistes intégristes, sortis des mosquées secrètes de Roissy" (dites-le avec l'accent vendéein, comme il l'a entendu dans son rêve, c'est mieux), sont venues à dos de moutons égorgés, si, si, juré, et ont tout saccagé.

Ni une, ni deux, il enfile ses rangers en peau de lapin et sa doudoune en poils de rat, et il fonce vers son champ, à la main sa seule arme : un rateau. Là, naturellement, rien. Les oiseaux, réveillés en plein chant pré-coïtal, font grise-mine. Ce soir-là, certains décidèrent de ne plus sortir dans le champ de ce vieux fou.
Décidé, notre homme organise, avec lui-même, des corvées de garde toute la nuit devant son champ. Il scrute le moindre mouvement de sourcils suspect. Le seul sourcil qui bouge, dans les environs, c'est celui de sa femme, toute seule dans son lit, en guise d'étonnement.
Au petit matin, son mari revient fourbu mais guilleret : il a parfaitement accompli sa tâche !
Elle demande quelle tâche Et, là, dans cet oeil qu'il voit tous les matins depuis tant d'années, il croit reconnaître la fourberie. Elle aussi ! Elle fait partie de la bande ! Ah, ils sont bien organisés ! Un espion à ses côtés ! Ni une, ni deux, il la vire ! A coups de taloches, elle dégage.
Bien sûr, elle hurle, proteste de son innocence, ne comprend goutte, mais ne peut rien y changer.

Il petit-déjeune et retourne très vite cultiver son champ. Il dormira lors de ses pauses, entre deux tours de garde, cette nuit.
Sa femme tentera de revenir, dans les jours qui suivent, après avoir suivi le sage conseil de sa soeur : "Laisse pisser, ça lui passera." mais la réaction de son homme est toujours plus violente.
Excédée, elle le traite de monomaniaque, et part avec toutes ses affaires chez sa soeur. Une procédure est engagée et le divorce prononcé dans les mois qui suivent.
Pendant ce temps, notre cultivateur, imperturbable et sûr de son fait, poursuit ses tours de garde.
Jusqu'au jour où, par un beau soleil d'été, une voiture, conduite par un beau jeune homme, visiblement aisé, passe devant son champ.
On lui propose de lui acheter son champ pour plus de dix fois ce qu'il lui rapporte chaque année. C'est-à-dire des clopinettes.
Devant les perspectives qui s'offrent à lui (enfin la retraîte, plus à se lever à point d'heure, plus à cultiver...) il hésite quelques jours et finit par accepter.
Il signe, encaisse le chèque et rentre chez lui. Seul. Plus de nouvelles de sa femme depuis le divorce. Il ne pense plus aux faucheurs, ils ont dû finir par se lasser. Il lui écrirait bien, à la traîtresse, mais elle fait partie de la bande et ils doivent voler d'autres honnêtes cultivateurs. Non, autant rester seul.
Il décide de s'offrir une semaine de vacances. Oh pas loin. Chez son frère qui habite à une heure de chez lui. Mais le climat change, quand on bouge, parait-il.
Tout se passe bien. Ils pêchent, causent, et ressassent. Ah le temps, ça...
Epuisé, il rentre chez lui.
Et là ! Horreur ! Son champ ! Des dizaines d'ouvriers, des murs qui se montent, des réseaux d'eau, de gaz !
Il va se renseigner, en s'étant calmé de son mieux, et il apprend que l'on veut construire une petite fabrique de *** en boîte ! Pile poile ce qu'il a cultivé pendant des années !
Mais il ne peut rien faire, ce champ ne lui appartient plus.
Dépité, il rentre chez lui, tête basse.
Il remarque une lettre passée sous la porte. Bizarre, il ne reçoit jamais de courrier et il n'attend plus de papier du notaire.
Il ouvre. C'est son ex-femme.
Elle lui apprend qu'elle est allée à la rencontre d'un jeune patron d'une petite société de *** en boîte. Il cherchait un endroit où construire une nouvelle fabrique. Elle a pensé à son champ. Et elle finit par ces mots :
"Au moins, vois-tu, tu avais raison : je suis avec eux. Si tu ne m'avais pas traîter ainsi, ton champ t'appartiendrait toujours."

Il prit une pelle et alla creuser un trou, loin de son champ, où il voyait bien son intestin grêle se décomposer.source image : http://ga.water.usgs.gov/edu/watercyclefrench.html

Morale : n'imaginons rien, vivons !

jeudi 19 avril 2007

dis c'est quoi l'amour


Dis, Papa, c'est quoi l'amour ?

L'amour, c'est une perte de temps - ça ne sert à rien. On peut engendrer par accident sans le moindre amour.

L'amour, c'est le pire ennemi du porte-feuille - de l'inscription à Meetic au restau, en passant par le Super que tu brûles quand la demoiselle veut "se promener par cette belle soirée pleine d'étoiles". Au final, elle te dira, au bas de son immeuble, quand tu te pencheras pour l'embrasser : "C'était sympa, mais non, en fait, je ne sens pas le truc."

L'amour, c'est comme un rêve : tu le vois, tu sais qu'il est là, pis hop un matin tu te réveilles et il a foutu le camp. Donc autant prendre des médocs et ne plus rêver.

L'amour, c'est comme un étang avec une Gorgone qui nage au fond. Toi, tu nages à la surface, tranquilou, tu ne demandes rien à personne et, après ta baignade, d'ailleurs, tu as plein de trucs de célibataire à faire (aller chez Ikea, laver ta bagnolle, jouer à la PSP avec ton meilleur pote, etc... !) et la Gorgone jaillit et t'adultnap (comme dirait Queneau) pour un temps X, au fond de l'eau, jusqu'à ce qu'elle en ait marre. Mais d'ici là, Ikea a délocalisé, on t'a piqué ta caisse et ton pote s'est barré avec ta console.
Du coup, tu te retrouves seul au bord de l'étang, les mains dans le caleçon, comme un con.

Mais dis, Papa, c'est quoi l'amour alors ?

Ah, mon fils... l'Amour, c'est le seul trésor dont l'Homme n'a pas l'utilité mais qu'il traquera jusqu'à son dernier souffle. Allez, dors, demain faut que je te ramène chez ta mère. Elle va bien, au fait ?

Séb.

mercredi 18 avril 2007

ANOTER on the road again...

Reprise tranquilou tout à l'heure pour les Anotiens et Anotiennes...
Quelques acharnés sont passés avec, au programme, lectures, discutailles, montrage de photos, cadavrexquisage, le tout dans l'herbe, jusqu'à ce que le vent se lève et nous chasse...
Belette nous a lu un scénar sympa, Emilien un extrait en total exclue de son oeuvre de fantasy en cours.

Le bébé anotien du jour :



J'habite dans un sous-sol, je n'en suis jamais sorti. Il fait noir

et j'ai peur souvent le soir la nuit, quand je m'endors loin de toi

loin de toi je me prends d'une terreur infâme, angoisse immonde, effroi

dégueulasse en effet mais pourquoi pas après tout ?

après tout, c'est la vie on va pas se plaindre. J'me

suis donc allongé(e) sur le sable fin, le bruit de la mer autour de moi

autour de moi s'étendent les ombres aux relents de

jus d'orange à la noix de coco comme un samedi au fast-food.

ANOTER.

source image : http://www.dinosoria.com/clipart_bebe/

mardi 17 avril 2007

de ballades en ballades

Au début était le train.
Long boyau sans fin qui défiait la nuit finissante.
Comme le dit alors si joliment Emilien : "C'est magique, on entre dans la boîte à Nancy il fait nuit, et quand on en ressort à Paris, hop il fait jour."
Dans cette dernière assertion, toute analogie avec des nuits de débauche serait évidemment à l'insu du plein gré, comme dirait l'autre, de St Emilion, pardon St Emilien.












Une Belette dans le train. (Très bon titre de roman, non ??)

Entre celle qui tenta en vain de dormir, ceux qui firent style "Oué, oué, on bosse là, dûr même... un samedi dès 7h, eh oui Messieurs-Madames, on le veut notre semestre, nous, mine de rien !", celui qui lit L'Equipe qui présentait la Finale de la Coupe de la Ligue et autres réjouissances, et une Belette qui a ri, lu, écouté de la musique en attendant Paris, le voyage passa assez vite.


Arrivé sur le quai de la gare de l'Est, nous attribuâmes à un homme endormi à même le sol, et peut-être SDF sans que toutefois ce fut un fait établi, le reste d'une boîte de gâteaux. Oui, chez ANOTER, on est généreux. On distribue poèmes, orgasmes et gâteaux avec la même joie.


Le métro fut une grande première pour certains (on passa devant le Moulin Rouge) et le Musée de la Vie Romantique une déception pour tout le monde. Franchement... comment peut-on prétendre présenter le Romantisme dans un Musée sans évoquer Hugo ???

En fait de musée, ce fut une maison de deux étages, certes jolie mais sans ravissement particulier.

Au premier, nous eûmes droit au salon de George Sand de Nohant, reconstitué,














ainsi qu'à quelques bibelots de sa famille, quelques portraits, mais alors RIEN, NADA, DES CLOUS, PEAU DE ZOB, quant à sa vie littéraire. Aucune correpondance, aucun schéma, aucune esquisse, aucun projet, rien de rien...
Juste, sympa, une sculpture représentant la miss de Nohant :

Au deuxième étage, des oeuvres du bonhomme à qui appartenait la maison, un peintre de l'époque romantique : Ary Scheffer. Hollandais peignant. Mouais... On était quand même en droit d'attendre mieux !
Heureusement qu'il ne nous a pas fallu payer l'entrée, mais c'est une maigre consolation.
Avant de partir (laisse-moi te dire, désolé), Matthieu prit la pause dans une sorte de véranda avec fontaine et statue (bof bof, mais bon, ça collait avec le reste) :


Ensuite, dans le 16ème, deux cartons attirèrent l'attention de trois anotiens en vadrouille. Des livres à taquet !!!! De la République de Platon à la série SAS de Gérard de Villiers, il y avait à boire et à manger ! Hitchcock, mais aussi la trilogie de R. Sabatier, vraiment, on ne pouvait rêver meilleur accueil à Paris !
Les poches alourdies, nous firent toc toc chez Balzac. Cf sur : http://anoter54.blogspot.com/2007/04/chez-balzac-selon-sb.html

où nous découvrirent la salle des personnages (superbe idée !!), la canne mythique du grand bonhomme, son bureau et sa fameuse cafetière avec ses initiales qui ne le quittait pas lors de ses 12 à 15 heures de séance d'écriture quotidienne :










ANOTER, comme toute créature organique, eut alors faim. On songea dévorer quelques livres mais nos estomac exigèrent d'accueillir des nourritures plus concrètes. Bon. On leur céda dans un parc du 16ème, certi de gosses de riches qui tiraient un pauvre chat en laisse et donnant sur la Tour du cher Gus.
Emilien émit l'idée de la "prendre" et lança une attaque... purement verbale !


La pluie, quant à elle nous attaqua alors vraiment ! On mata sous la jupe de la dame de fer dont on distingue le crâne derrière le fou-furieux au-dessus de ces lignes et les chaires bien conservées sous celles-ci ! (Ok, Emilien, je réciterai 3 Notre Père pour cette insulte purement gratuite ! ) Et rien à voir avec un quelconque attrait sexuel pour Margaret Thatcher !On gagna alors le Père Lachaise et de Musset à Montand, en passant par Ticky Holgado, on découvrit toutes ces tombes de glorieux ancêtres, ou illustres inconnus, et nous réussirent même à nous perdre en cherchant le dernier lopin de terre de Jim Morrison ! Edith Piaf, sans doute relativement au film sorti il y a quelques semaines, semblait recevoir beaucoup de visites.
Eluard ainsi que les monuments rendant hommage aux victimes de la Shoah reçurent notre visite.







La tombe de Musset : Un des rares Dieus absolus de la poésie (avec Eluard, tout de même et parfois Baudelaire et Rimbaud) selon moi.







Celle de Ticky Holgado, qui, sur son lit de mort, a enregistré une vidéo pour dissuader les jeunes de commencer à fumer ! Respect, l'artiste !








Si quelqu'un peut m'expliquer pourquoi les femmes refusent d'embrasser un vivant comme moi et embrassent un mort comme lui... je suis preneur !! Tombe d'Oscar Wilde, bien sûr.







Auschwitz...







Eluard, "la courbe de tes yeux..." ah si seulement Elle savait à quel point !





et Piaf !

Exténués, certains d'entres nous rentrèrent directement après cette visite et d'autres, téméraires, décidèrent d'aller boire un verre.
La suite, les événements de dimanche, une prochaine fois ! Moi aussi, depuis le temps, je suis vanné ! (désolé pour les fautes, je ne me relirai pas ce soir).
Séb.

lundi 16 avril 2007

poème pour Rémi

Bataille


tes mânes libérés de leurs tombeaux de suie
promenant sur mes pieds leurs complaintes brûlées
de clairs capharnaüms en palais sous la pluie
égrènent aux foulées leurs images brouillées


c’est la date abhorrée qui ploie ses voiles noires
sur l’océan perdu de nos rêves d’enfants
c’est la date enlacée aux murmures des soirs
sur l’oreiller noué de mes larmes d’antan


devenu ce marin cet aviateur des mers
qui vole ton image aux vagues infernales
je poursuis cette Errance en Robin ou Corsaire
sur ma bicoque neuve en vue d’Avril fatal


la voile noire ornée du vingt-cinq ennemi
soudain paraît et rit de mon esquif roulant
je me nomme Amiral et lance mes torpilles –
le vingt-six lumineux dresse un mât triomphant

et je ris


A Rémi, mon meilleur ami, décédé le 25 avril 1999 à 16 ans et demi.

Ce poème a reçu en 2003 le 3ème Prix Universitaire National de la Poésie, décerné à Limoges.

Sébastien.

Au Pantéhon, selon Séb

Le Panthéon. Gorgone magnifique dévorant illustres et oubliés. Le froid sépulcral fouette ma laine dès le portique. Les mânes libérées de leurs tombeaux de suie m’accompagnent, me prennent par la main et me disent : voilà, je croupis entre ces murs. Evidemment pas de bois, ça ne tiendrait jamais et ça puerait. Alors, ils ont choisi la pierre. Triste, mais bon. Ah tiens, salut Victor – Jeune homme, me répond-il en massant silencieusement sa tempe droite et en pensant : c'est donc ce gringalet qui veut me piquer ma place en littérature ? Mouais...

Puis quelques esprits vaguement dérangés par ces jupes et ces strings qui m'accompagnent m'ouvrent leur intimité, poussent quelques portes, cachent quelques secrets dont tout le monde se branle, dans le fond. Non sans admiration, certains s'inclinent, comme à leur habitude apparemment, devant ce pendule qui siège au centre de l'édifice et qui suit la rotation de la Terre. Figure-toi, toi qui t'ennuies au point de me lire, que c'est le Panthéon, et donc la Terre, et non ce pendule, qui tourne ! Voilà, il a fallu des siècles à Homo Sapiens Sapiens

pour comprendre que sa misérable existence n'allait pas arrêter la course des étoiles et que, dans l'Univers, il n'est qu'une erreur, une bactérie qui a trouvé un chausson aux pommes sympa où se développer et se reproduire. Bien sûr, les quelques lignes expliquant la naissance de ce pendule ne soulignent rien de tout ça.

Un Révolutionnaire qu'on ne reconnaît pas, et de corvée de visitage ce dimanche-là, remercie ses petits copains de l'accueil et me présente, rien que pour moi, Voltaire, singeant Rousseau pour l'Eternité (ou inversement, précise-t-il, on ne sait plus à la longue), puis nous mène jusqu'à Pierre (Pierrot, pour les intimes) et Marie Curie qui ont, depuis le temps, fait et refait tous les calculs de leur décomposition respective et soupirent à chaque nouveau visiteur. Voilà, c'est ça l'Eternité, se répètent-ils. Bin putain.

On retrouve alors Hugo qui tape la discut avec les nègres de Dumas. Non loin de là, Zola, Jaurès et Malraux ont eu le temps de sympathiser. Ils commentent l'actualité que des bribes de conversations leur apportent quotidiennement. Eh oui, répète souvent André, n'a pas la carrure d'un général qui veut... Jean appelle tout le monde au calme quand des eurosceptiques belliqueux passent près de lui. Eternel recommencement.

Je me rapproche de Victor et, pour la forme, je récite Demain dès l'aube, sur l'épaule d'une belette. Le grand barbu ne relève pas mais nous suit du regard lorsque nous rejoignons, mon guide et moi, le martyr Jean Moulin. Incroyable chez moi : un signe de croix. Le respect pour le bonhomme m'y invite. Et je ne peux que me poser la question que tous ses visiteurs se posent : Et moi ? Qu'aurais-je fait ?

Puis vint le temps des déchirants adieux. Mon guide, las, tape dans le dos d'un vieux copain sans tête et sans-culotte et rejoint son tombeau. Allez, encore vingt ans avant que je retourne au taf.

Une petite pensée, en passant, pour tous les autres écrivains morts pour la Partie et pour le papa du Petit Prince.






On fait, ici et là, quelques croix, pour signaler les endroits où l'on verrait bien nos divins os moisir pour les siècles des siècles et, nos ventres réclamant quelques pitances, nous abandonnons l'idée de gravir les quelques 200 marches et des poussières qui nous séparent de l'espèce de donjon dont le guide a dit le nom exact en espagnol (et vu que j'y comprends rien, ce sera « donjon » pour cette chose ronde que vous verrez sur http://pantheon.monuments-nationaux.fr/thumb2/?q=70&w=308&h=308&table=m_photo&champ=photo_img&id=2521)


Séb.

Chez Balzac, selon Séb

Il était là, abandonné et merveilleux. Ma paume glissa sur lui comme sur une amante. Sa peau tiède et rugueuse, balafrée les soirs de doute et de désespoir, les matins de solitude, les nuits de souffrance – lui au milieu de la multitude.

J’entendis presque un appel à la création. Des personnages de l’ombre, mort-nés peut-être, à peine esquissés, réclamaient une vie, un destin, des mots. Seuls au milieu de ces rainures parfois suspectes (lacèrerait-on de rage son billot quand celui-ci ne daigne nous accueilir ?), ils dormaient là, en lambris depuis des décennies, orphelins, veufs, célibataires.

Je les imaginai un instant sortant la tête hors de fleuves de café brûlant, leurs petites têtes qui ne furent que des possibilités, des chemins jamais débroussaillés.

Qui sait ? Ils devaient venir par la fenêtre de gauche, apportés par le vent et refoulés par des portes infranchissables, tentant en vain quelque invasion par un trou de souris. Puis l’attente, l’espoir. Rarement récompensés.

Depuis, faute de mieux, ils s’en remettent à nous : pauvres hères qui ne serons jamais Balzac.

Séb.

jeudi 5 avril 2007

texte de Matthieu écrit dans le train

(ndrl : J.E et Mylène en photo ! et moi dans le reflet de la vitre. Séb.)

Voyageur de l'Infini

Un voyage vers l'inconnu lieu de ma création. La musique d'un train ennuyeux me berce. Des arbres passent dans le brouillard matinal. Paysage immobile, morne pays. Une mélodie, lointaine, m'envahit, pénètre mon esprit. Des images apparaissent, petit à petit, souvenirs d'un autre monde, d'une autre époque, déjà au loin, qu'on aurait voulue infinie. Un verre à pied irréel, des regards emprunts de mystère, des visages amicaux pour qui l'amour envisageable semble impossible. Dos à la marche, je recule dans l'existence, je retombe en enfance et c'est ma vie des souvenirs heureux qui défilent sous mes yeux.

Rêve délicat d'imitation d'un piano qui résume si bien ma vie. Un balancement incessant, fragile. Il semble finir pour retomber. Mais il n'en est rien, une ultime fois, l'ange de l'apocalypse déploie ses ailes pour mieux s'envoler et faire retomber, lacrymales les larmes du voyageur qui pense sa vie finie...


MATTHIEU.

Vue de Paris par GOTAD



Se regarde dans le reflet de la fenêtre de la chambre d’amis, torse nu et en pantalon, immobile et les bras ballants. Le regard voguant au hasard sur son reflet. L’air fatigué, vraiment las d’une journée qui s’achève enfin. Minuit. Aucun bruit dans l’appartement.

« Tu m’expliques comment t’en es arrivé là ?

– Oh c’est bien simple, ma cousine Estelle m’héberge pour la nuit, et m’a invité à passer la soirée avec ses amis, dans un bar branché… Bon, on n’a pas trouvé de bar branché, et on a échoué dans un truc assez pourave, vaguement glauque, mais il paraît que c’est un style.

(ndrl : ce n'est pas ce bar, mais je n'avais que ça en stock ! Séb.)

On y est resté deux bonnes heures, on était onze, c’était sympa. Puis est venu l’instant des tragiques séparations. Echange d’adresses MSN, adieux. Estelle et l'une de ses copines comptent aller en boîte et rester jusqu’à la fermeture : je leur fais faux bon, je suis claqué. Elle me passe les clés et les codes d’accès (une vraie forteresse, ce truc), je rentre à l’appart et me voici, là. Je me regarde dans le reflet de la vitre, je me demande ce que j’y vois, et surtout comment j’en suis arrivé là. Je suis naze, je vais me coucher. Peut-être me doucher, avant : je pue la clope, et puis ça fera ça de moins à faire demain.

– Ouais, mais tu m’expliques comment t’en es arrivé là ?

– Aaaaah, mais ça c’est parce que j’étais de passage à Paris pour le week-end. On a sillonné la capitale avec le groupe, pour visiter le musée de la vie romantique, la maison de Balzac et le Père Lachaise. (d’autres festivités sont prévues pour demain) Intéressant, sympa, mais crevant et gangrené par une inextinguible envie de pipi visiblement généralisée. Balzac avait une tête monumentale et surtout monumentalement laide, Seb est resté en émoi dans la pièce où le bonhomme a écrit la Comédie Humaine, on a vu comment les fossoyeurs mettent à profit les pierres tombales pour faire tenir les arbres debout, et on s’est demandé pourquoi tous (!) les employés des curiosités touristiques étaient des métisses indiens. J’ai passé la journée à me payer la gueule de l’innocent J-E, y’avait des poubelles jaunes et vertes, et Matthieu trouvait à George Sand un air étrangement féminin sur ses portraits. J-E s’est fait entuber comme une huître avec son éclair au chocolat qui s’est transformé, par la grâce de la bêtise humaine, en part de flan, ce qui a eu pour effet immédiat de m’alourdir la panse, allez savoir pourquoi. Une rencontre fortuite assez hallucinante juste devant le cimetière nous apprit que des gens nus posaient sur la tombe d’Edith Piaf entre certains horaires, et que j’entends parfois des trucs que personne n’a dit ni entendu (même si cette dernière observation n’a rien de bien neuf). Ça s’est fini par un verre pris dans un bar, et des discussions sur les Ovnis et le potentiel humain non-exploité. Fendard.

– Mais alors, comment t’en es arrivé là ?

– On est venu en train ce matin, ou plutôt hier : lever à 5h30, départ à 6h44. Il y avait Seb, J-E, Matthieu, Mylène, Cyrielle (de grâce, ne l’oublions pas), moi, Patou, Guillaume et Aurore. Dans le train, on avait un compartiment réservé et c’était cool, mais Guillaume et Aurore ne tenaient pas sur un seul siège, donc ils ont pas pu rester avec nous. Matthieu avait une paille d’or dans la bouche, et c’était encore cool. Cyrielle a essayé de dormir, mais nos grosses têtes à moi et à Seb lui étaient anti-somnolantes, pour des raisons encore obscures, et c’était moins cool (pour elle, je veux dire). La boîte de (bien) bons petits gâteaux fournie par le bien bon (petit) Seb se cassa la binette sur la moquette, mais trouva un preneur involontaire une fois arrivée à la gare.

– Mais je comprends pas, comment t’en es arrivé là ?

– En fait, je fais partie d’une association étudiante, un atelier d’écriture nommé ANOTER. Avec les cotisations des membres et des subventions de la fac (d’une ponctualité édifiante, selon mes sources), on a organisé un voyage de fin d’année, mais pas à la fin de l’année (que voulez-vous, ces artistes…), pour parcourir les musées à caractère littéraire et trouver l’inspiration. Ça nous a demandé une organisation du feu de Dieu, qui nous a bouffé pas mal sur les séances d’écriture, mais le jeu en valait la chandelle : jusque là, le week-end se passe à merveille, pour autant que j’ai pu en juger.

– Ouais, ouais okay… Bon. Mais ça me dit pas, tout ça : comment t’en es arrivé là ?

– Ben ça, c’est la faute à Elsa. Une fille que j’ai rencontrée le premier jour de la pré-rentrée, en septembre dernier, et avec qui je suis rapidement devenu grand pote. Un jour elle m’a dit qu’un atelier d’écriture se montait à la fac, et que la première réunion se tenait le soir même. Evidemment, bigleux que je suis, je n’avais pas vu les affiches dont les organisateurs de l’asso avaient couvert les murs. On est allé ensemble à la réunion de présentation, puis aux deux premières séances d’écriture. Ensuite, elle a lâché l’affaire. Comme pour se faire pardonner, elle nous rameuté deux noobs, Mylène puis Matthieu. Rapidement, le noyau dur des membres fidèles s’est constitué : Matthieu, Mylène, Cyrielle, Guillaume, Patou, moi et Seb évidemment, l’organisateur des réunions et président de l’asso. Le reste du bureau, on ne le voyait jamais ; seul J-E, le trésorier, a du venir une ou deux fois. Et puis quelques autres apparaissant épisodiquement, au gré des vents cosmiques semble-t-il. Chaque séance est un petit vent frais au milieu d’une semaine parfois morose, parfois dure, parfois éreintante, parfois merveilleuse… Quelle que soit la tronche de la semaine, ce petit vent frais est fidèle à lui-même. La Terre pourrait bien s’arrêter de tourner, le pendule du Panthéon pourrait bien s’arrêter de penduler ou même entrer dans le mystérieux quart de cercle vide, il y aurait toujours les séances d’ANOTER, de 18 heures à 20 heures en salle A118, à la Fac de Lettres. Moi, j’aime bien.

– Mas alors, bordel de bordel, comment t’en es foutredieu arrivé là ???

– Oh, ça… Fac… Licence d’Anglais… Résultats en Terminale… Bac… Nul en Allemand… Obligé de faire ES, foutu pour la L… Seconde en Histoire des Arts… Redoublement… Persécutions au Collège… au Primaire… Première histoire en CE1… Areuh… Galipette en printemps 87… Charles Martel repousse les arabes à Poitiers en 742… Evolution des espèces… Boum-boum sur la margoulette aux dinos… Et la Lumière fut. Bon, faut que je dorme. »

GOTAD.