jeudi 26 avril 2007

postérité

source image : http://bdl.unige.ch/batlivre/activite/2005-06/lancement/p_lancement0506.htm

Alphonse Allais disait : "Je préfère passer à la Poste hériter plutôt qu'à la postérité."
Moi, je veux les deux.


Oui ma descendance inconnue
Tends le bras ouvre la main
Pose l'index ici
Sur ces pages flétries coulent mes mots

Ceux du patriarche d'un siècle lointain
Que la houle disperse
Pour lit un cénotaphe
Pour chambre un livre


Oui ma descendance incongrue
Devenue cyclope myope
Depuis longtemps déjà tripède unijambiste
Ton coeur est pareil au mien

Oh tes larmes irriguent une forêt
Qui de mon temps était bosquet
Et l'aube d'hier sous la pluie d'été
Salue ta vesprée d'un soleil d'hiver.


BU Lettres, Nancy, 25 avril 2007, en regardant une demoiselle chercher un livre.

Séb.

lundi 23 avril 2007

monomanie

Comme dit l'autre, il était une fois. Un homme. Dans un pays pauvre.

Un cultivateur dont la seule richesse était son champ. Dites-le cent fois et un troll vous sortira de la narine gauche.

Dans son champ, dans le fond, on s'en fout de ce qu'il cultivait, ce cultivateur. Des betteraves, des radis, des pousses de canabis, des embryons humains, des patates, des esclaves péruviens en batterie, peu importe.

Il s'en sortait assez bien aux yeux de son propre intestin grêle et de celui de sa femme, soit tout de même à eux deux près de 14 mètres de tripes. Chez eux, ce n'était pas le Ritz et sa femme, du reste, n'était pas Paris Hilton, mais c'était plutôt Minsk après le passage des gars en bottes et Radis Hideux. Mais bon, comme il ne connaissait ni l'hôtel ni la bombasse américaine à la bouche à ne pas tomber enceinte tout de suite, il s'en moquait.

Tout allait donc bien au pays des pauvres.

Mais une nuit, l'éleveur fit un rêve. Un truc de fou. Il voyait très nettement des petits faucheurs d'OGM locaux aller saccager et brûler ses terres. Bon, lui, les OGM, il n'en avait pas. Pas parce qu'il passait ses nuit sur MSN avec José Bové à rêver d'un monde sans rien de chimique, non, de toute façon il n'avait même pas de connexion haut débit, ni même d'ordi, le pauvre, mais simplement parce que c'était trop cher et qu'il ne voulait pas se compliquer la vie avec ça. En plus, de mémoire de pioche, on n'avait jamais eu le moindre faucheur (à part de coquelicots, en été parfois, mais ça ne compte pas, si ?) à plus de mille kilomètres à la ronde.(source image : http://www.lefigaro.fr/france/20060803.FIG000000113_les_faucheurs_volontaires_bravent_la_justice.html

Toujours est-il que "des hordes de salafistes intégristes, sortis des mosquées secrètes de Roissy" (dites-le avec l'accent vendéein, comme il l'a entendu dans son rêve, c'est mieux), sont venues à dos de moutons égorgés, si, si, juré, et ont tout saccagé.

Ni une, ni deux, il enfile ses rangers en peau de lapin et sa doudoune en poils de rat, et il fonce vers son champ, à la main sa seule arme : un rateau. Là, naturellement, rien. Les oiseaux, réveillés en plein chant pré-coïtal, font grise-mine. Ce soir-là, certains décidèrent de ne plus sortir dans le champ de ce vieux fou.
Décidé, notre homme organise, avec lui-même, des corvées de garde toute la nuit devant son champ. Il scrute le moindre mouvement de sourcils suspect. Le seul sourcil qui bouge, dans les environs, c'est celui de sa femme, toute seule dans son lit, en guise d'étonnement.
Au petit matin, son mari revient fourbu mais guilleret : il a parfaitement accompli sa tâche !
Elle demande quelle tâche Et, là, dans cet oeil qu'il voit tous les matins depuis tant d'années, il croit reconnaître la fourberie. Elle aussi ! Elle fait partie de la bande ! Ah, ils sont bien organisés ! Un espion à ses côtés ! Ni une, ni deux, il la vire ! A coups de taloches, elle dégage.
Bien sûr, elle hurle, proteste de son innocence, ne comprend goutte, mais ne peut rien y changer.

Il petit-déjeune et retourne très vite cultiver son champ. Il dormira lors de ses pauses, entre deux tours de garde, cette nuit.
Sa femme tentera de revenir, dans les jours qui suivent, après avoir suivi le sage conseil de sa soeur : "Laisse pisser, ça lui passera." mais la réaction de son homme est toujours plus violente.
Excédée, elle le traite de monomaniaque, et part avec toutes ses affaires chez sa soeur. Une procédure est engagée et le divorce prononcé dans les mois qui suivent.
Pendant ce temps, notre cultivateur, imperturbable et sûr de son fait, poursuit ses tours de garde.
Jusqu'au jour où, par un beau soleil d'été, une voiture, conduite par un beau jeune homme, visiblement aisé, passe devant son champ.
On lui propose de lui acheter son champ pour plus de dix fois ce qu'il lui rapporte chaque année. C'est-à-dire des clopinettes.
Devant les perspectives qui s'offrent à lui (enfin la retraîte, plus à se lever à point d'heure, plus à cultiver...) il hésite quelques jours et finit par accepter.
Il signe, encaisse le chèque et rentre chez lui. Seul. Plus de nouvelles de sa femme depuis le divorce. Il ne pense plus aux faucheurs, ils ont dû finir par se lasser. Il lui écrirait bien, à la traîtresse, mais elle fait partie de la bande et ils doivent voler d'autres honnêtes cultivateurs. Non, autant rester seul.
Il décide de s'offrir une semaine de vacances. Oh pas loin. Chez son frère qui habite à une heure de chez lui. Mais le climat change, quand on bouge, parait-il.
Tout se passe bien. Ils pêchent, causent, et ressassent. Ah le temps, ça...
Epuisé, il rentre chez lui.
Et là ! Horreur ! Son champ ! Des dizaines d'ouvriers, des murs qui se montent, des réseaux d'eau, de gaz !
Il va se renseigner, en s'étant calmé de son mieux, et il apprend que l'on veut construire une petite fabrique de *** en boîte ! Pile poile ce qu'il a cultivé pendant des années !
Mais il ne peut rien faire, ce champ ne lui appartient plus.
Dépité, il rentre chez lui, tête basse.
Il remarque une lettre passée sous la porte. Bizarre, il ne reçoit jamais de courrier et il n'attend plus de papier du notaire.
Il ouvre. C'est son ex-femme.
Elle lui apprend qu'elle est allée à la rencontre d'un jeune patron d'une petite société de *** en boîte. Il cherchait un endroit où construire une nouvelle fabrique. Elle a pensé à son champ. Et elle finit par ces mots :
"Au moins, vois-tu, tu avais raison : je suis avec eux. Si tu ne m'avais pas traîter ainsi, ton champ t'appartiendrait toujours."

Il prit une pelle et alla creuser un trou, loin de son champ, où il voyait bien son intestin grêle se décomposer.source image : http://ga.water.usgs.gov/edu/watercyclefrench.html

Morale : n'imaginons rien, vivons !

jeudi 19 avril 2007

dis c'est quoi l'amour


Dis, Papa, c'est quoi l'amour ?

L'amour, c'est une perte de temps - ça ne sert à rien. On peut engendrer par accident sans le moindre amour.

L'amour, c'est le pire ennemi du porte-feuille - de l'inscription à Meetic au restau, en passant par le Super que tu brûles quand la demoiselle veut "se promener par cette belle soirée pleine d'étoiles". Au final, elle te dira, au bas de son immeuble, quand tu te pencheras pour l'embrasser : "C'était sympa, mais non, en fait, je ne sens pas le truc."

L'amour, c'est comme un rêve : tu le vois, tu sais qu'il est là, pis hop un matin tu te réveilles et il a foutu le camp. Donc autant prendre des médocs et ne plus rêver.

L'amour, c'est comme un étang avec une Gorgone qui nage au fond. Toi, tu nages à la surface, tranquilou, tu ne demandes rien à personne et, après ta baignade, d'ailleurs, tu as plein de trucs de célibataire à faire (aller chez Ikea, laver ta bagnolle, jouer à la PSP avec ton meilleur pote, etc... !) et la Gorgone jaillit et t'adultnap (comme dirait Queneau) pour un temps X, au fond de l'eau, jusqu'à ce qu'elle en ait marre. Mais d'ici là, Ikea a délocalisé, on t'a piqué ta caisse et ton pote s'est barré avec ta console.
Du coup, tu te retrouves seul au bord de l'étang, les mains dans le caleçon, comme un con.

Mais dis, Papa, c'est quoi l'amour alors ?

Ah, mon fils... l'Amour, c'est le seul trésor dont l'Homme n'a pas l'utilité mais qu'il traquera jusqu'à son dernier souffle. Allez, dors, demain faut que je te ramène chez ta mère. Elle va bien, au fait ?

Séb.

mercredi 18 avril 2007

ANOTER on the road again...

Reprise tranquilou tout à l'heure pour les Anotiens et Anotiennes...
Quelques acharnés sont passés avec, au programme, lectures, discutailles, montrage de photos, cadavrexquisage, le tout dans l'herbe, jusqu'à ce que le vent se lève et nous chasse...
Belette nous a lu un scénar sympa, Emilien un extrait en total exclue de son oeuvre de fantasy en cours.

Le bébé anotien du jour :



J'habite dans un sous-sol, je n'en suis jamais sorti. Il fait noir

et j'ai peur souvent le soir la nuit, quand je m'endors loin de toi

loin de toi je me prends d'une terreur infâme, angoisse immonde, effroi

dégueulasse en effet mais pourquoi pas après tout ?

après tout, c'est la vie on va pas se plaindre. J'me

suis donc allongé(e) sur le sable fin, le bruit de la mer autour de moi

autour de moi s'étendent les ombres aux relents de

jus d'orange à la noix de coco comme un samedi au fast-food.

ANOTER.

source image : http://www.dinosoria.com/clipart_bebe/

mardi 17 avril 2007

de ballades en ballades

Au début était le train.
Long boyau sans fin qui défiait la nuit finissante.
Comme le dit alors si joliment Emilien : "C'est magique, on entre dans la boîte à Nancy il fait nuit, et quand on en ressort à Paris, hop il fait jour."
Dans cette dernière assertion, toute analogie avec des nuits de débauche serait évidemment à l'insu du plein gré, comme dirait l'autre, de St Emilion, pardon St Emilien.












Une Belette dans le train. (Très bon titre de roman, non ??)

Entre celle qui tenta en vain de dormir, ceux qui firent style "Oué, oué, on bosse là, dûr même... un samedi dès 7h, eh oui Messieurs-Madames, on le veut notre semestre, nous, mine de rien !", celui qui lit L'Equipe qui présentait la Finale de la Coupe de la Ligue et autres réjouissances, et une Belette qui a ri, lu, écouté de la musique en attendant Paris, le voyage passa assez vite.


Arrivé sur le quai de la gare de l'Est, nous attribuâmes à un homme endormi à même le sol, et peut-être SDF sans que toutefois ce fut un fait établi, le reste d'une boîte de gâteaux. Oui, chez ANOTER, on est généreux. On distribue poèmes, orgasmes et gâteaux avec la même joie.


Le métro fut une grande première pour certains (on passa devant le Moulin Rouge) et le Musée de la Vie Romantique une déception pour tout le monde. Franchement... comment peut-on prétendre présenter le Romantisme dans un Musée sans évoquer Hugo ???

En fait de musée, ce fut une maison de deux étages, certes jolie mais sans ravissement particulier.

Au premier, nous eûmes droit au salon de George Sand de Nohant, reconstitué,














ainsi qu'à quelques bibelots de sa famille, quelques portraits, mais alors RIEN, NADA, DES CLOUS, PEAU DE ZOB, quant à sa vie littéraire. Aucune correpondance, aucun schéma, aucune esquisse, aucun projet, rien de rien...
Juste, sympa, une sculpture représentant la miss de Nohant :

Au deuxième étage, des oeuvres du bonhomme à qui appartenait la maison, un peintre de l'époque romantique : Ary Scheffer. Hollandais peignant. Mouais... On était quand même en droit d'attendre mieux !
Heureusement qu'il ne nous a pas fallu payer l'entrée, mais c'est une maigre consolation.
Avant de partir (laisse-moi te dire, désolé), Matthieu prit la pause dans une sorte de véranda avec fontaine et statue (bof bof, mais bon, ça collait avec le reste) :


Ensuite, dans le 16ème, deux cartons attirèrent l'attention de trois anotiens en vadrouille. Des livres à taquet !!!! De la République de Platon à la série SAS de Gérard de Villiers, il y avait à boire et à manger ! Hitchcock, mais aussi la trilogie de R. Sabatier, vraiment, on ne pouvait rêver meilleur accueil à Paris !
Les poches alourdies, nous firent toc toc chez Balzac. Cf sur : http://anoter54.blogspot.com/2007/04/chez-balzac-selon-sb.html

où nous découvrirent la salle des personnages (superbe idée !!), la canne mythique du grand bonhomme, son bureau et sa fameuse cafetière avec ses initiales qui ne le quittait pas lors de ses 12 à 15 heures de séance d'écriture quotidienne :










ANOTER, comme toute créature organique, eut alors faim. On songea dévorer quelques livres mais nos estomac exigèrent d'accueillir des nourritures plus concrètes. Bon. On leur céda dans un parc du 16ème, certi de gosses de riches qui tiraient un pauvre chat en laisse et donnant sur la Tour du cher Gus.
Emilien émit l'idée de la "prendre" et lança une attaque... purement verbale !


La pluie, quant à elle nous attaqua alors vraiment ! On mata sous la jupe de la dame de fer dont on distingue le crâne derrière le fou-furieux au-dessus de ces lignes et les chaires bien conservées sous celles-ci ! (Ok, Emilien, je réciterai 3 Notre Père pour cette insulte purement gratuite ! ) Et rien à voir avec un quelconque attrait sexuel pour Margaret Thatcher !On gagna alors le Père Lachaise et de Musset à Montand, en passant par Ticky Holgado, on découvrit toutes ces tombes de glorieux ancêtres, ou illustres inconnus, et nous réussirent même à nous perdre en cherchant le dernier lopin de terre de Jim Morrison ! Edith Piaf, sans doute relativement au film sorti il y a quelques semaines, semblait recevoir beaucoup de visites.
Eluard ainsi que les monuments rendant hommage aux victimes de la Shoah reçurent notre visite.







La tombe de Musset : Un des rares Dieus absolus de la poésie (avec Eluard, tout de même et parfois Baudelaire et Rimbaud) selon moi.







Celle de Ticky Holgado, qui, sur son lit de mort, a enregistré une vidéo pour dissuader les jeunes de commencer à fumer ! Respect, l'artiste !








Si quelqu'un peut m'expliquer pourquoi les femmes refusent d'embrasser un vivant comme moi et embrassent un mort comme lui... je suis preneur !! Tombe d'Oscar Wilde, bien sûr.







Auschwitz...







Eluard, "la courbe de tes yeux..." ah si seulement Elle savait à quel point !





et Piaf !

Exténués, certains d'entres nous rentrèrent directement après cette visite et d'autres, téméraires, décidèrent d'aller boire un verre.
La suite, les événements de dimanche, une prochaine fois ! Moi aussi, depuis le temps, je suis vanné ! (désolé pour les fautes, je ne me relirai pas ce soir).
Séb.

lundi 16 avril 2007

poème pour Rémi

Bataille


tes mânes libérés de leurs tombeaux de suie
promenant sur mes pieds leurs complaintes brûlées
de clairs capharnaüms en palais sous la pluie
égrènent aux foulées leurs images brouillées


c’est la date abhorrée qui ploie ses voiles noires
sur l’océan perdu de nos rêves d’enfants
c’est la date enlacée aux murmures des soirs
sur l’oreiller noué de mes larmes d’antan


devenu ce marin cet aviateur des mers
qui vole ton image aux vagues infernales
je poursuis cette Errance en Robin ou Corsaire
sur ma bicoque neuve en vue d’Avril fatal


la voile noire ornée du vingt-cinq ennemi
soudain paraît et rit de mon esquif roulant
je me nomme Amiral et lance mes torpilles –
le vingt-six lumineux dresse un mât triomphant

et je ris


A Rémi, mon meilleur ami, décédé le 25 avril 1999 à 16 ans et demi.

Ce poème a reçu en 2003 le 3ème Prix Universitaire National de la Poésie, décerné à Limoges.

Sébastien.

Au Pantéhon, selon Séb

Le Panthéon. Gorgone magnifique dévorant illustres et oubliés. Le froid sépulcral fouette ma laine dès le portique. Les mânes libérées de leurs tombeaux de suie m’accompagnent, me prennent par la main et me disent : voilà, je croupis entre ces murs. Evidemment pas de bois, ça ne tiendrait jamais et ça puerait. Alors, ils ont choisi la pierre. Triste, mais bon. Ah tiens, salut Victor – Jeune homme, me répond-il en massant silencieusement sa tempe droite et en pensant : c'est donc ce gringalet qui veut me piquer ma place en littérature ? Mouais...

Puis quelques esprits vaguement dérangés par ces jupes et ces strings qui m'accompagnent m'ouvrent leur intimité, poussent quelques portes, cachent quelques secrets dont tout le monde se branle, dans le fond. Non sans admiration, certains s'inclinent, comme à leur habitude apparemment, devant ce pendule qui siège au centre de l'édifice et qui suit la rotation de la Terre. Figure-toi, toi qui t'ennuies au point de me lire, que c'est le Panthéon, et donc la Terre, et non ce pendule, qui tourne ! Voilà, il a fallu des siècles à Homo Sapiens Sapiens

pour comprendre que sa misérable existence n'allait pas arrêter la course des étoiles et que, dans l'Univers, il n'est qu'une erreur, une bactérie qui a trouvé un chausson aux pommes sympa où se développer et se reproduire. Bien sûr, les quelques lignes expliquant la naissance de ce pendule ne soulignent rien de tout ça.

Un Révolutionnaire qu'on ne reconnaît pas, et de corvée de visitage ce dimanche-là, remercie ses petits copains de l'accueil et me présente, rien que pour moi, Voltaire, singeant Rousseau pour l'Eternité (ou inversement, précise-t-il, on ne sait plus à la longue), puis nous mène jusqu'à Pierre (Pierrot, pour les intimes) et Marie Curie qui ont, depuis le temps, fait et refait tous les calculs de leur décomposition respective et soupirent à chaque nouveau visiteur. Voilà, c'est ça l'Eternité, se répètent-ils. Bin putain.

On retrouve alors Hugo qui tape la discut avec les nègres de Dumas. Non loin de là, Zola, Jaurès et Malraux ont eu le temps de sympathiser. Ils commentent l'actualité que des bribes de conversations leur apportent quotidiennement. Eh oui, répète souvent André, n'a pas la carrure d'un général qui veut... Jean appelle tout le monde au calme quand des eurosceptiques belliqueux passent près de lui. Eternel recommencement.

Je me rapproche de Victor et, pour la forme, je récite Demain dès l'aube, sur l'épaule d'une belette. Le grand barbu ne relève pas mais nous suit du regard lorsque nous rejoignons, mon guide et moi, le martyr Jean Moulin. Incroyable chez moi : un signe de croix. Le respect pour le bonhomme m'y invite. Et je ne peux que me poser la question que tous ses visiteurs se posent : Et moi ? Qu'aurais-je fait ?

Puis vint le temps des déchirants adieux. Mon guide, las, tape dans le dos d'un vieux copain sans tête et sans-culotte et rejoint son tombeau. Allez, encore vingt ans avant que je retourne au taf.

Une petite pensée, en passant, pour tous les autres écrivains morts pour la Partie et pour le papa du Petit Prince.






On fait, ici et là, quelques croix, pour signaler les endroits où l'on verrait bien nos divins os moisir pour les siècles des siècles et, nos ventres réclamant quelques pitances, nous abandonnons l'idée de gravir les quelques 200 marches et des poussières qui nous séparent de l'espèce de donjon dont le guide a dit le nom exact en espagnol (et vu que j'y comprends rien, ce sera « donjon » pour cette chose ronde que vous verrez sur http://pantheon.monuments-nationaux.fr/thumb2/?q=70&w=308&h=308&table=m_photo&champ=photo_img&id=2521)


Séb.

Chez Balzac, selon Séb

Il était là, abandonné et merveilleux. Ma paume glissa sur lui comme sur une amante. Sa peau tiède et rugueuse, balafrée les soirs de doute et de désespoir, les matins de solitude, les nuits de souffrance – lui au milieu de la multitude.

J’entendis presque un appel à la création. Des personnages de l’ombre, mort-nés peut-être, à peine esquissés, réclamaient une vie, un destin, des mots. Seuls au milieu de ces rainures parfois suspectes (lacèrerait-on de rage son billot quand celui-ci ne daigne nous accueilir ?), ils dormaient là, en lambris depuis des décennies, orphelins, veufs, célibataires.

Je les imaginai un instant sortant la tête hors de fleuves de café brûlant, leurs petites têtes qui ne furent que des possibilités, des chemins jamais débroussaillés.

Qui sait ? Ils devaient venir par la fenêtre de gauche, apportés par le vent et refoulés par des portes infranchissables, tentant en vain quelque invasion par un trou de souris. Puis l’attente, l’espoir. Rarement récompensés.

Depuis, faute de mieux, ils s’en remettent à nous : pauvres hères qui ne serons jamais Balzac.

Séb.

jeudi 5 avril 2007

texte de Matthieu écrit dans le train

(ndrl : J.E et Mylène en photo ! et moi dans le reflet de la vitre. Séb.)

Voyageur de l'Infini

Un voyage vers l'inconnu lieu de ma création. La musique d'un train ennuyeux me berce. Des arbres passent dans le brouillard matinal. Paysage immobile, morne pays. Une mélodie, lointaine, m'envahit, pénètre mon esprit. Des images apparaissent, petit à petit, souvenirs d'un autre monde, d'une autre époque, déjà au loin, qu'on aurait voulue infinie. Un verre à pied irréel, des regards emprunts de mystère, des visages amicaux pour qui l'amour envisageable semble impossible. Dos à la marche, je recule dans l'existence, je retombe en enfance et c'est ma vie des souvenirs heureux qui défilent sous mes yeux.

Rêve délicat d'imitation d'un piano qui résume si bien ma vie. Un balancement incessant, fragile. Il semble finir pour retomber. Mais il n'en est rien, une ultime fois, l'ange de l'apocalypse déploie ses ailes pour mieux s'envoler et faire retomber, lacrymales les larmes du voyageur qui pense sa vie finie...


MATTHIEU.

Vue de Paris par GOTAD



Se regarde dans le reflet de la fenêtre de la chambre d’amis, torse nu et en pantalon, immobile et les bras ballants. Le regard voguant au hasard sur son reflet. L’air fatigué, vraiment las d’une journée qui s’achève enfin. Minuit. Aucun bruit dans l’appartement.

« Tu m’expliques comment t’en es arrivé là ?

– Oh c’est bien simple, ma cousine Estelle m’héberge pour la nuit, et m’a invité à passer la soirée avec ses amis, dans un bar branché… Bon, on n’a pas trouvé de bar branché, et on a échoué dans un truc assez pourave, vaguement glauque, mais il paraît que c’est un style.

(ndrl : ce n'est pas ce bar, mais je n'avais que ça en stock ! Séb.)

On y est resté deux bonnes heures, on était onze, c’était sympa. Puis est venu l’instant des tragiques séparations. Echange d’adresses MSN, adieux. Estelle et l'une de ses copines comptent aller en boîte et rester jusqu’à la fermeture : je leur fais faux bon, je suis claqué. Elle me passe les clés et les codes d’accès (une vraie forteresse, ce truc), je rentre à l’appart et me voici, là. Je me regarde dans le reflet de la vitre, je me demande ce que j’y vois, et surtout comment j’en suis arrivé là. Je suis naze, je vais me coucher. Peut-être me doucher, avant : je pue la clope, et puis ça fera ça de moins à faire demain.

– Ouais, mais tu m’expliques comment t’en es arrivé là ?

– Aaaaah, mais ça c’est parce que j’étais de passage à Paris pour le week-end. On a sillonné la capitale avec le groupe, pour visiter le musée de la vie romantique, la maison de Balzac et le Père Lachaise. (d’autres festivités sont prévues pour demain) Intéressant, sympa, mais crevant et gangrené par une inextinguible envie de pipi visiblement généralisée. Balzac avait une tête monumentale et surtout monumentalement laide, Seb est resté en émoi dans la pièce où le bonhomme a écrit la Comédie Humaine, on a vu comment les fossoyeurs mettent à profit les pierres tombales pour faire tenir les arbres debout, et on s’est demandé pourquoi tous (!) les employés des curiosités touristiques étaient des métisses indiens. J’ai passé la journée à me payer la gueule de l’innocent J-E, y’avait des poubelles jaunes et vertes, et Matthieu trouvait à George Sand un air étrangement féminin sur ses portraits. J-E s’est fait entuber comme une huître avec son éclair au chocolat qui s’est transformé, par la grâce de la bêtise humaine, en part de flan, ce qui a eu pour effet immédiat de m’alourdir la panse, allez savoir pourquoi. Une rencontre fortuite assez hallucinante juste devant le cimetière nous apprit que des gens nus posaient sur la tombe d’Edith Piaf entre certains horaires, et que j’entends parfois des trucs que personne n’a dit ni entendu (même si cette dernière observation n’a rien de bien neuf). Ça s’est fini par un verre pris dans un bar, et des discussions sur les Ovnis et le potentiel humain non-exploité. Fendard.

– Mais alors, comment t’en es arrivé là ?

– On est venu en train ce matin, ou plutôt hier : lever à 5h30, départ à 6h44. Il y avait Seb, J-E, Matthieu, Mylène, Cyrielle (de grâce, ne l’oublions pas), moi, Patou, Guillaume et Aurore. Dans le train, on avait un compartiment réservé et c’était cool, mais Guillaume et Aurore ne tenaient pas sur un seul siège, donc ils ont pas pu rester avec nous. Matthieu avait une paille d’or dans la bouche, et c’était encore cool. Cyrielle a essayé de dormir, mais nos grosses têtes à moi et à Seb lui étaient anti-somnolantes, pour des raisons encore obscures, et c’était moins cool (pour elle, je veux dire). La boîte de (bien) bons petits gâteaux fournie par le bien bon (petit) Seb se cassa la binette sur la moquette, mais trouva un preneur involontaire une fois arrivée à la gare.

– Mais je comprends pas, comment t’en es arrivé là ?

– En fait, je fais partie d’une association étudiante, un atelier d’écriture nommé ANOTER. Avec les cotisations des membres et des subventions de la fac (d’une ponctualité édifiante, selon mes sources), on a organisé un voyage de fin d’année, mais pas à la fin de l’année (que voulez-vous, ces artistes…), pour parcourir les musées à caractère littéraire et trouver l’inspiration. Ça nous a demandé une organisation du feu de Dieu, qui nous a bouffé pas mal sur les séances d’écriture, mais le jeu en valait la chandelle : jusque là, le week-end se passe à merveille, pour autant que j’ai pu en juger.

– Ouais, ouais okay… Bon. Mais ça me dit pas, tout ça : comment t’en es arrivé là ?

– Ben ça, c’est la faute à Elsa. Une fille que j’ai rencontrée le premier jour de la pré-rentrée, en septembre dernier, et avec qui je suis rapidement devenu grand pote. Un jour elle m’a dit qu’un atelier d’écriture se montait à la fac, et que la première réunion se tenait le soir même. Evidemment, bigleux que je suis, je n’avais pas vu les affiches dont les organisateurs de l’asso avaient couvert les murs. On est allé ensemble à la réunion de présentation, puis aux deux premières séances d’écriture. Ensuite, elle a lâché l’affaire. Comme pour se faire pardonner, elle nous rameuté deux noobs, Mylène puis Matthieu. Rapidement, le noyau dur des membres fidèles s’est constitué : Matthieu, Mylène, Cyrielle, Guillaume, Patou, moi et Seb évidemment, l’organisateur des réunions et président de l’asso. Le reste du bureau, on ne le voyait jamais ; seul J-E, le trésorier, a du venir une ou deux fois. Et puis quelques autres apparaissant épisodiquement, au gré des vents cosmiques semble-t-il. Chaque séance est un petit vent frais au milieu d’une semaine parfois morose, parfois dure, parfois éreintante, parfois merveilleuse… Quelle que soit la tronche de la semaine, ce petit vent frais est fidèle à lui-même. La Terre pourrait bien s’arrêter de tourner, le pendule du Panthéon pourrait bien s’arrêter de penduler ou même entrer dans le mystérieux quart de cercle vide, il y aurait toujours les séances d’ANOTER, de 18 heures à 20 heures en salle A118, à la Fac de Lettres. Moi, j’aime bien.

– Mas alors, bordel de bordel, comment t’en es foutredieu arrivé là ???

– Oh, ça… Fac… Licence d’Anglais… Résultats en Terminale… Bac… Nul en Allemand… Obligé de faire ES, foutu pour la L… Seconde en Histoire des Arts… Redoublement… Persécutions au Collège… au Primaire… Première histoire en CE1… Areuh… Galipette en printemps 87… Charles Martel repousse les arabes à Poitiers en 742… Evolution des espèces… Boum-boum sur la margoulette aux dinos… Et la Lumière fut. Bon, faut que je dorme. »

GOTAD.