Un dictateur crocodile, aux pays des elfes donc, se promenait un matin dans les rues de sa capitale. Sa queue zigzaguait joyeusement, entourée d'elfes en armes et aux aguêts, quand il se remémorait non sans gloire sa prise de pouvoir, toute récente.
Il se revoyait gravir, dans un total anonymat, les marches du palais des elfes, il y a quelques semaines, pour se prosterner aux pieds de leur empereur. On l'avait trouvé errant, âme en peine, entre les deux mondes, celui des humains et celui des elfes, et il avait expliqué que Dundee l'avait abandonné, au profit d'une « petite pouf d'Hollywood », et qu'il s'était senti nié dans son identité même de crocodile. Depuis, il errait. On compatissait, l'oeil brillant. Mais on avait mis cela sur le compte d'un delirium très mince. En effet, personne, même chez les hommes, ne s'appelerait Dundee. Vraiment trop laid.
Puis, en lui racontant mille blagues d'elfes, avec ceci d'ennuyeux qu'il faut être né elfe pour les comprendre, on le conduisit à l'empereur. Il serait ravi de rencontrer une nouvelle espèce, rampante qui plus est, donc presque à hauteur d'elfe. Le crocodile, lui, rassuré de pas être tombé sur de vils chasseurs, les suivit sans mot dire et sans se douter du cruel destin qui lui était réservé.
En effet, les elfes, il faut le savoir, n'ont de gentil que ce que la légende corrompue leur a outrageusement octroyé. Ce sont en vérité des êtres sadiques, lubriques et, surtout, cupides. Or, ils savaient bien qu'un crocodile constituerait auprès des hommes une denrée hautement négociable. Quelque ambassadeur était en effet revenu récemment avec de belles bottes d'un caoutchouc inconnu.
Ce plan, secrètement ourdi dans les têtes, le crocodile ne s'en doutait pas. Il pensait qu'on le reconduirait chez lui, avec les honneurs, une fois les cérémonies et autres présentations officielles expédiées.
Ainsi, il gravit les marches avec entrain certes, mais difficulté, car ce protocole n'était pas prévu dans son code génétique. En portant un regard sur sa droite, il surprit une scène sans équivoque : deux elfes, visiblement deux dignitaires, se frottaient les mains. Quelque part sous une roche, se lovait une anguille que sa langue de crocodile se fit un devoir de déloger. Il avisa alors une trappe pour le moment fermée, située aux pieds de l'empereur. On voulait donc l'y voir plonger. Il s'arrêta net et fit de telles courbettes et enchantements en direction de l'empereur que celui-ci sauta de son trône et, lorsqu'il en vint à lui caresser la tête en guise de remerciements, se fit dévorer tout cru. Les dignitaires blèmirent, accoururent et rejoignirent leur chef.
Ainsi fut déclaré nouvel empereur des elfes un crocodile totalement inconnu et tout autant totalitaire dans sa politique.
Ce matin, rampant au coeur de sa capitale, les crocs en alerte, il revivait ces scènes superbes. Mais il devait accueillir un nouveau commerçant, comme le voulait la coutume. Il s'était motivé en se rappelant qu'il avait faim.
Lorsqu'on lui ouvrit la porte et qu'il découvrit l'identité du nouvel arrivant, il eut un bref mouvement de recul. Mais trop tardivement, car Dundee avait dégainé, épaulé et tiré entre les deux yeux.
Aussitôt, on paya grassement le chasseur, qui repartait déjà au bras d'une poupée siliconée, et un nouvel empereur fut nommé.
Séb.
Source image : http://www.crocodile.de/index.htm
1 commentaire:
Bonjour Seb ! J'ai mis un bout de temps avant de trouver cette adresse (l'adresse laissée sur mon livre d'or n'était pas valide !)..
Merci infiniment pour ce coup de pub que tu me fais ! Je ne m'y attendais pas. Je suis co-animatrice d'un atelier d'écriture Ecriturecreative, sur le net.
Je n'ai pas encore tout visité chez toi, mais je vais le faire dès que j'aurais envoyé ce petit message.
Encore un grand merci.
Nanou
http://nanou.over-blog.org
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