vendredi 26 janvier 2007

nouveau texte de Gotad

Voici ce que Nerval et Eluard ont inspiré à Gotad. Et à vous, ils vous inspireraient quoi ?


J’aime beaucoup, les samedis matins, me promener dans le marché aux fruits et légumes de la vieille ville d’1234. Chaque semaine j’y trouve un renouveau de fraîcheur, une explosion de couleurs, un épanouissement de parfums subtils et harmonieux… Sous mes yeux envoûtés s’étale, dans les cartons, bacs et cageots, une profusion de formes et de couleurs appétissantes, parfumées… vivifiantes !

Ce samedi-là, il se produisit une chose tout à fait incongrue, qui perturba mon plan de promenade bien rôdé. Alors que je passais devant l’étalage d’un marchand d’agrumes, un bac d’oranges mûres attira vivement mon attention ; ou plutôt… l’une de ces oranges, bien particulière. Je m’approchai d’un pas et plongeai mon regard dans cette sphère grumeleuse. Cette orange, cette simple orange m’hypnotisait littéralement : j’y vis bientôt la Terre, qui tournait lentement sur elle-même, au milieu de ses consœurs inertes.

« Bonjour Mam’zelle ! Qu’est-ce que ce sera ? »

L’orange terre grossit dans mon champ de vision, jusqu’à l’occuper entier. Je distinguais sous les nuages mouvants la forme des continents qui s’étendaient là, tels de sculpturales nymphes allongées dans des sofas sur mesure. J’approchai ma main et effleurai la surface de la planète. L’Atlantique se troubla au contact du bout de mes doigts : s’il eût été humain, on aurait dit qu’il rougissait. Je retirai ma main ; quelques nuages s’étaient accrochés à mes doigts comme pour les retenir, et y laissèrent une fine mousse blanche.

« Mais, mais… Mademoiselle, mais que faites-vous ?! Vous n’allez pas bien ?

– Vous dansez ? »

La voix du marchand, braillarde et grossière, faible et lointaine, fut couverte sans mal par celle de la planète, pleine, grave, vibrante, puissante. À l’entendre, il me sembla rajeunir de deux siècles. Charmée, je battis des paupières comme une écolière timide. Puis je retirai mes chaussures, pris le bras que me tendait la Terre, et entrai dans la valse sur les accords de Saturne et Neptune, depuis la scène qu’ils occupaient au fond.

« À la folle ! À la voleuse ! Elle me vole une orange et s’en va en dansant ! Rattrapez-la… »

GOTAD

Source image : www.rebeccabolte.com/gallery/Sample/orange.

Aucun commentaire: