mercredi 13 décembre 2006

Texte de Séb pour la séance du 13/12

Le vieillard s'assit sur une souche desséchée.

Il passa une main pleine de veines bleues sur son crâne luisant, se massa et se pencha difficilement pour se mettre derrière la cravate qu'il n'avait pas une bonne rasade de rouge.

Le temps était lourd mais ils étaient à l'ombre sur ces sentiers bordés de sapins.

Face à lui, les cinq bambins venus de loin, tous ahuris par tant de marche, laissèrent tomber leurs sacoches et de lourdes prières silencieuses. Ce n'était donc pas fini ? Non, pas encore. Après trois heures de marche sportive, le meilleur est toujours à venir. Ah, très bien.

  • Reposez-vous, les marmots, gloussa le vieux que tant de lassitude fatiguait.

Après quelques minutes de silence, il se saisit de son P.C. portable et tenta une connexion Wi-Fi. En vain. Non que la zone ne fût pas couverte, la planète entière l'était depuis longtemps déjà à cette époque lointaine, mais son ordi était simplement en panne.

Tant pis. Il le balança dans le vide. La féraille contenterait aisément le vieux fana de train du village qui rêve depuis longtemps de construire sa machine avec des trucs dont personne ne veut plus. Voilà, un recycleur, c'est ça.

Bon, pour ce groupe, il va encore falloir raconter la légende. Toujours la même. Ras-le-cul de cette foutue légende, pensait-il souvent. Mais c'était la seule du coin. Ses enseignants, vieillards séniles, n'avaient déjà rien d'autre à se mettre sous le dentier, il y a des années.

Oh, bien sûr, depuis si longtemps qu'il « tenait » cette visite de ses chemins d'enfance, il avait eu l'occasion de varier quelques péritéries, de s'échapper vers quelques contrées secrètes de son imagination, mais son supérieur, alerté par la rumeur galopante qu'étaient honteusement déversées d'autres versions que celle canonique, illustre, unique pour laquelle il le payait, avait volé un phare de Bretagne pour l'éclairer de ses reproches. Formellement interdit, avait-il dit, l'oeil rouge, en tendant le doigt vers le bourg enflammé. Sinon... Et allez-y, vous, pour retrouver du travail à 84 ans, quand vous n'avez même plus toutes vos dents.

Dans le groupe d'aujourd'hui, une gamine, venue en touriste du Rwanda, l'intriguait. Malgré le poids déjà conséquent de son sac à dos, quelques substances mystérieuses gonflait ses poches. Très vite, le vieillard comprit qu'il s'agissait de bonbons des Vosges, sans doute dérobés ce matin lors de la visite à l'atelier. Les gamins avaient semblé apprécier cette main d'oeuvre bon marché qui faisait leur bonheur dans les écoles de chez eux. Les produits vosgiens s'exportaient en effet très bien, en ces temps-là. Honteuse, quand il la questionna, la gamine dut avouer, dans un anglais parfait qu'il eut du mal à déchiffrer, que c'était là son plus grand vice. Voler des bonbons (des Vosges, de préférence). Et ne pas forcément les manger, du reste, non, mais les entasser à en faire craquer ses coutures. Juste le plaisir de les voler.

Bon, avait-il dit, ici, dans ce pays, il y a si peu de travail et tellement de dommages occasionnés par la guerre civile que si l'on vole à manger, c'est pour manger, tout bêtement. Mais oui, pourquoi pas. Son détachement la surprit. On doit s'habituer à tout, se dit-elle, même au malheur. Son pays, Dieu merci, était à l'abri du besoin. Il fallait répondre quelque chose. Voici ce qu'elle trouva :

  • La situation ici préoccupe beaucoup le gouvernement de mon pays prétendit-elle, mais vous êtes si loin et si peu civilisés, aux yeux de mes compatriotes, qu'on se demande si le jeu en vaut la chandelle. Non, c'est vrai : vous ne faites pas l'effort de nous rattraper. Du coup, on vient en touriste, conclut-elle du haut de ses huit ans.

Ça coupa le souffle au vieux. Mais, bien obligé, il raconta tout de même l'histoire du dernier des trolls alsaciens, devant une assistance qui s'en foutait, du reste, royalement. On préférait parier à messes basses sur la provenance exacte des coups de feu, si près, si loin, là-bas, dans la vallée.

Inutile de reprendre ses propos, tout le monde les connait.


Sébastien.

6 commentaires:

Guillaume a dit…

Salut Seb,
Ce que je vais te dire n'est ni un reproche, ni une critique mais plutôt une remarque... Ne devait-on pas considérer tous les personnages, même objets étaient vivants ? On dirait plutôt que tu as fait dans le ou la logorallye ? Me tromperais-je ???

Anonyme a dit…

Oui, tu as raison, complètement même. Cette image du vieux sur sa souche desséchée m'est venue (souvenir d'un passage de mon dernier roman) et hop c'est parti. Mais je ne doute pas que vous ferez bien mieux !
C'est vrai que ce que l'impro a produit est de l'ordre du théâtre de l'absurde et que les personnages s'exprimaient par rapport à leur identité (une table devait parler en tant que table).
Je suis parti trop vite et j'ai perdu cela de vue...
Mais on y croit !
Séb.

Matthieu Fernandez a dit…

Salut à toi l'étoile filante qui... file !

Sympa comme suite, petit délire quand tu nous tiens...

"On y croit", il faut toujours y croire même à l'amour impossible... même au vent déchirant... même à l'avenir... même au passé... incroyable... si si ! Je vous assure... Enfin... C'est ce qu'il se dit par ici...

Anonyme a dit…

C'est marrant... on part d'un coin perdu, mais on y trouve tant de choses étranges... C'est comme lorsqu'on déplace un meuble pour balayer derrière, et qu'on retrouve des "merveilles". Enfin, si vous me suivez.

Guillaume a dit…

Au fait Seb, quand mets-tu les photos prises à la dernière scéance ???

anoter a dit…

Salut,

eh bien tout simplement quand je croiserai Kamal et sa clé USB, car moi je n'en ai po...
Je les aurais mises ce WE mais comme je fais le père noël je suis coincé à Nancy...
Donc ce sera mis le plus tôt possible j'espère !