jeudi 5 avril 2007

Vue de Paris par GOTAD



Se regarde dans le reflet de la fenêtre de la chambre d’amis, torse nu et en pantalon, immobile et les bras ballants. Le regard voguant au hasard sur son reflet. L’air fatigué, vraiment las d’une journée qui s’achève enfin. Minuit. Aucun bruit dans l’appartement.

« Tu m’expliques comment t’en es arrivé là ?

– Oh c’est bien simple, ma cousine Estelle m’héberge pour la nuit, et m’a invité à passer la soirée avec ses amis, dans un bar branché… Bon, on n’a pas trouvé de bar branché, et on a échoué dans un truc assez pourave, vaguement glauque, mais il paraît que c’est un style.

(ndrl : ce n'est pas ce bar, mais je n'avais que ça en stock ! Séb.)

On y est resté deux bonnes heures, on était onze, c’était sympa. Puis est venu l’instant des tragiques séparations. Echange d’adresses MSN, adieux. Estelle et l'une de ses copines comptent aller en boîte et rester jusqu’à la fermeture : je leur fais faux bon, je suis claqué. Elle me passe les clés et les codes d’accès (une vraie forteresse, ce truc), je rentre à l’appart et me voici, là. Je me regarde dans le reflet de la vitre, je me demande ce que j’y vois, et surtout comment j’en suis arrivé là. Je suis naze, je vais me coucher. Peut-être me doucher, avant : je pue la clope, et puis ça fera ça de moins à faire demain.

– Ouais, mais tu m’expliques comment t’en es arrivé là ?

– Aaaaah, mais ça c’est parce que j’étais de passage à Paris pour le week-end. On a sillonné la capitale avec le groupe, pour visiter le musée de la vie romantique, la maison de Balzac et le Père Lachaise. (d’autres festivités sont prévues pour demain) Intéressant, sympa, mais crevant et gangrené par une inextinguible envie de pipi visiblement généralisée. Balzac avait une tête monumentale et surtout monumentalement laide, Seb est resté en émoi dans la pièce où le bonhomme a écrit la Comédie Humaine, on a vu comment les fossoyeurs mettent à profit les pierres tombales pour faire tenir les arbres debout, et on s’est demandé pourquoi tous (!) les employés des curiosités touristiques étaient des métisses indiens. J’ai passé la journée à me payer la gueule de l’innocent J-E, y’avait des poubelles jaunes et vertes, et Matthieu trouvait à George Sand un air étrangement féminin sur ses portraits. J-E s’est fait entuber comme une huître avec son éclair au chocolat qui s’est transformé, par la grâce de la bêtise humaine, en part de flan, ce qui a eu pour effet immédiat de m’alourdir la panse, allez savoir pourquoi. Une rencontre fortuite assez hallucinante juste devant le cimetière nous apprit que des gens nus posaient sur la tombe d’Edith Piaf entre certains horaires, et que j’entends parfois des trucs que personne n’a dit ni entendu (même si cette dernière observation n’a rien de bien neuf). Ça s’est fini par un verre pris dans un bar, et des discussions sur les Ovnis et le potentiel humain non-exploité. Fendard.

– Mais alors, comment t’en es arrivé là ?

– On est venu en train ce matin, ou plutôt hier : lever à 5h30, départ à 6h44. Il y avait Seb, J-E, Matthieu, Mylène, Cyrielle (de grâce, ne l’oublions pas), moi, Patou, Guillaume et Aurore. Dans le train, on avait un compartiment réservé et c’était cool, mais Guillaume et Aurore ne tenaient pas sur un seul siège, donc ils ont pas pu rester avec nous. Matthieu avait une paille d’or dans la bouche, et c’était encore cool. Cyrielle a essayé de dormir, mais nos grosses têtes à moi et à Seb lui étaient anti-somnolantes, pour des raisons encore obscures, et c’était moins cool (pour elle, je veux dire). La boîte de (bien) bons petits gâteaux fournie par le bien bon (petit) Seb se cassa la binette sur la moquette, mais trouva un preneur involontaire une fois arrivée à la gare.

– Mais je comprends pas, comment t’en es arrivé là ?

– En fait, je fais partie d’une association étudiante, un atelier d’écriture nommé ANOTER. Avec les cotisations des membres et des subventions de la fac (d’une ponctualité édifiante, selon mes sources), on a organisé un voyage de fin d’année, mais pas à la fin de l’année (que voulez-vous, ces artistes…), pour parcourir les musées à caractère littéraire et trouver l’inspiration. Ça nous a demandé une organisation du feu de Dieu, qui nous a bouffé pas mal sur les séances d’écriture, mais le jeu en valait la chandelle : jusque là, le week-end se passe à merveille, pour autant que j’ai pu en juger.

– Ouais, ouais okay… Bon. Mais ça me dit pas, tout ça : comment t’en es arrivé là ?

– Ben ça, c’est la faute à Elsa. Une fille que j’ai rencontrée le premier jour de la pré-rentrée, en septembre dernier, et avec qui je suis rapidement devenu grand pote. Un jour elle m’a dit qu’un atelier d’écriture se montait à la fac, et que la première réunion se tenait le soir même. Evidemment, bigleux que je suis, je n’avais pas vu les affiches dont les organisateurs de l’asso avaient couvert les murs. On est allé ensemble à la réunion de présentation, puis aux deux premières séances d’écriture. Ensuite, elle a lâché l’affaire. Comme pour se faire pardonner, elle nous rameuté deux noobs, Mylène puis Matthieu. Rapidement, le noyau dur des membres fidèles s’est constitué : Matthieu, Mylène, Cyrielle, Guillaume, Patou, moi et Seb évidemment, l’organisateur des réunions et président de l’asso. Le reste du bureau, on ne le voyait jamais ; seul J-E, le trésorier, a du venir une ou deux fois. Et puis quelques autres apparaissant épisodiquement, au gré des vents cosmiques semble-t-il. Chaque séance est un petit vent frais au milieu d’une semaine parfois morose, parfois dure, parfois éreintante, parfois merveilleuse… Quelle que soit la tronche de la semaine, ce petit vent frais est fidèle à lui-même. La Terre pourrait bien s’arrêter de tourner, le pendule du Panthéon pourrait bien s’arrêter de penduler ou même entrer dans le mystérieux quart de cercle vide, il y aurait toujours les séances d’ANOTER, de 18 heures à 20 heures en salle A118, à la Fac de Lettres. Moi, j’aime bien.

– Mas alors, bordel de bordel, comment t’en es foutredieu arrivé là ???

– Oh, ça… Fac… Licence d’Anglais… Résultats en Terminale… Bac… Nul en Allemand… Obligé de faire ES, foutu pour la L… Seconde en Histoire des Arts… Redoublement… Persécutions au Collège… au Primaire… Première histoire en CE1… Areuh… Galipette en printemps 87… Charles Martel repousse les arabes à Poitiers en 742… Evolution des espèces… Boum-boum sur la margoulette aux dinos… Et la Lumière fut. Bon, faut que je dorme. »

GOTAD.

1 commentaire:

Matthieu Fernandez a dit…

Héhé voila un très bon texte rayonnant de bonne humeur ! Allez va falloir continuer dans le détail et nous parler de ta vie. C'est très plaisant à lire en tous cas !