jeudi 22 mars 2007

texte de GOTAD sur le thème "dire la ville"


(une foule est assise dans un autobus. Une femme perdue dans cette foule silencieuse prend soudainement la parole)

Armelle : Mon nom est Armelle Dugenou, dite « La Ville ». Vous vous demandez peut-être pourquoi ce surnom étrange… Eh bien voilà : (elle se lève de sa chaise et clame très fort) LA VILLE ! (elle se rassied) Voilà… Je dis « la ville ». C’est con, hein ?

La foule (chaque membre, alternativement) : Mais enfin… Qu’est-ce qui lui prend ? Elle a dit quoi ? Faites-la enfermer ! J’ai pas entendu. Vous n’y pensez pas ! Jamais je n’ai entendu une telle stupidité. Ce qu’il ne faut pas entendre… Moi j’ai beaucoup aimé, ça sonnait bien ! Bis !

Armelle : Les réactions sont très variées, d’une fois sur l’autre… C’est toujours intéressant à observer. Bon, des fois, ça tourne mal, hein : l’autre fois, un type n’a pas supporté, et s’est senti obligé de me filer un coup de poing au visage. La fois d’avant, ça a déclenché une crise chez un épileptique. La plupart du temps, les gens ne comprennent pas : ils me regardent en souriant bêtement, ils ont l’air d’attendre la suite… Ils s’attendent sûrement à un spectacle de rue, ou à un discours philosophique sur l’esprit de la ville, à la mode Grèce antique. Ou bien ils croient que leurs oreilles ou ma bouche ont fait défaut, que j’ai toussé bizarrement, ou que je me suis étranglée alors que j’allais leur demander un renseignement. Ils me prennent pour une folle, ou bien croient que je me moque d’eux, que j’ai eu cette idée pour évacuer mon stress après une journée difficile… Fabulations que tous ces pronostics hasardeux : je dis « la ville », rien de plus ni de moins. Je me complais dans cette simple énonciation dépourvue de sens, d’objectif autre que dire la ville. Voyez plutôt : (se penche vers une femme poussant un landau et rugit) LA VILLE ! (la femme sursaute, s’enfuit avec son landau en jetant des regards effrayés derrière son épaule)

Homme 1 : Madame, c’est la seconde fois que j’assiste à votre… (sourit) performance, et je dois vous dire, j’aime beaucoup ce que vous faites !

Homme 2 : Mademoiselle, c’était tout bonnement… époustouflant ! Je dirige une compagnie de théâtre, et le fait est que j’aimerais beaucoup travailler avec vous, afin d’exploiter vos talents… (sourit) originaux. Voici ma carte ; réfléchissez-y, et appelez-moi !

Armelle : Voilà… Des fois, ça se passe comme ça. Je ne sais pas trop ce que je dois en penser. Peut-être que je devrais arrêter de dire « la ville »… Un jour.

Homme 3 : (déboule sur la scène, le regard fou, et hurle) LES CCCAROTTES SONT CUITTTTES !!!

Armelle (une larme à l’œil) : Mon… Mon héros !

Voix off : Ils vécurent relativement heureux, et eurent beaucoup, beaucoup d’enfants très, très bavards.

GOTAD.

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