lundi 12 mars 2007

texte de Séb qui entend ce que pensent les autres... argh !!!

Au début, je demandais aux gens de répéter, parce que, généralement, j'avais cru entendre un jugement négatif à mon sujet. Celui qui revenait le plus souvent : Qu'est-ce qu'il est gros, ce petit !
Mais comme on s'étonnait et me jurait n'avoir rien dit, très vite, vers 5-6 ans peut-être, j'appris à vivre avec ce que j'appelle ma "seconde ouïe".

A l'âge adulte, naturellement, c'est devenu un jeu d'enfant pour séduire et faire jouir. Mon carnet d'adresses et de rendez-vous est plein. Je pourrais même en vivre, je pense. Mais non. Mon métier de carrossier me suffit amplement ; au moins les caisses jactent moins que les gonz. Et elles ne papottent pas en silence non plus - le bonheur.

J'ai très vite compris que je pouvais tirer profit de ce don de la nature, comme la fois où j'ai demandé une augmentation à mon patron et que lui pensait à sa prochaine liquidation judiciaire dont personne n'avait entendu parler... ou penser. Je lui remis donc ma lettre de démission et j'ai pu signaler à l'employeur suivant que j'étais capable de voir quand une boîte allait mal et que je pourrais, à plus ou moins long terme, le conseiller.

Mais cette seconde ouïe me sert surtout à parler avec ma femme - enfin, quand je dis ma femme, je veux dire celle avec laquelle j'ai fait des gosses, pas celles avec qui je passe des moments sympas - et à éviter qu'on se prenne la tête pour rien (comme c'est toujours le cas, au final, qu'on parle de la couleur des rideaux ou qu'on lance un bon vieux débat sur le mélangisme). Parfois, paradoxalement, je dois faire exprès de trouver des sujets de dispute, histoire qu'elle ne se doute de rien, et qu'elle continue à me considérer comme un mec normal, c'est-à-dire totalement immature, incohérent, et qu'elle devra couver jusqu'à la fin comme ses propres mômes. Moi, ça me va.


Avec le temps, j'ai même appris à domestiquer ces antennes inivisbles. Je m'en sers quand bon me semble. Je les active quand le besoin ou l'envie s'en fait sentir, par simple désir de le faire. Je n'ai parlé à aucun des psys que les profs et les parents, à l'adolescence, m'ont obligé à aller voir parce qu'ils s'inquiétaient de mon "extrême sensibilité" aux choses. Tu m'étonnes. Ma mère attendait ces rendez-vous, quand c'était elle qui me conduisait, pour aller picoler au bar du coin de la rue, et mon, père, quand c'était son tour, allait rejoindre sa maîtresse totalement docile. Bref, ces psys n'ont jamais rien relevé de particulier chez moi, même pas que je jouais avec eux une partie d'échecs dont ils sortaient toujours mats sans avoir eu conscience de s'être assis devant l'échiquier. Je connus très vite leurs raisonnements pré-conçus, et même leur vie privée aussi triste, souvent, que celles de leurs patients.
Du reste, ils auraient pu lire moult et moult livres qui, depuis que l'Homme a troqué ses plumes contre une seule à tremper dans un encrier, qui présentent, parfois très clairement, ces capacités cognitives si rares. Mais non, ils ne se sont doutés de rien.
J'ai essayé de trouver sur l'Internet des personnes comme moi mais entre les fous, les mythos et les petits malins, j'ai conclu que j'étais le seul dans ce cas. Peut-être un homme par siècle. Moi. Le bol. Un carrossier sans rien de particulier, si ce n'est une vie adultérine qui confine, de plus en plus, à la simple routine.
Récemment, j'ai eu un accident de voiture, parce que, pour la première fois, j'étais parvenu, en me concentrant très fort, à entendre ce que pensait l'homme politique qui passait à ce moment à l'antenne. D'habitude, au téléphone, sur Internet, à la télé ou à la radio, je n'entends rien de plus que ma femme. Je dois être en présence de l'autre. Mais cette fois non. Je me souviens parfaitement du choc que j'ai ressenti en entendant penser cet homme-là, mais plus du contenu. Car à ce moment-là, je percutais un camion et plongeais dans le coma.
Aujourd'hui, un mois plus tard, nous sommes à quelques jours de l'élection et je suis incapable de me souvenir de ce que j'ai entendu, ni de le réentendre car mon don... a disparu.
Et si je devais servir à quelque chose dans ce monde ? Pour cela, il va me falloir retrouver ces antennes et, le cas échéant, parvenir à empêcher des drames...

Séb.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Well said.